Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 41.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il y avait eu ensuite toute l’enquête géologique très importante conduite depuis 1835 jusque vers la fin de sa vie par Thomé de Gamond sur la nature du fond du détroit et, dès 1856, Thomé de Gamond avait présenté à la reine d’Angleterre en même temps qu’à Napoléon III un projet de communication sous la Manche. La reine Victoria avait répondu : « Si M. Thomé de Gamond fait cela, vous pouvez lui dire que je lui donne ma bénédiction en mon nom et au nom de toutes les dames anglaises. »

A la suite de Thomé de Gamond, dont le projet en ligne droite n’était pas réalisable parce qu’il traversait des terrains perméables, les trois illustres ingénieurs anglais Isambart Brunel, Joseph Locke et Robert Stephenson avaient repris ses études. Puis était venu sir John Hawskhaw, qui avait fourni à son tour une moisson de renseignemens les plus précieux.

En 1875, toutes les recherches faites jusqu’alors tendaient à faire admettre qu’il existait dans le fond du détroit une couche de craie, connue sous le nom de craie cénomanienne ou craie grise de Rouen ; que cette couche courait sous la mer d’une rive à l’autre, avec une imperméabilité complète, à une profondeur suffisante (environ 60 mètres) sans faille ni interruption, et qu’elle pourrait recevoir ainsi le tunnel destiné à relier la France et l’Angleterre.

Cette hypothèse, la Société française du tunnel sous la Manche s’est attachée à la vérifier d’une façon définitive : la maîtresse pièce de son enquête est la carte du fond du détroit établie à sa demande par les deux éminens ingénieurs du corps des mines, Potier et de Lapparent, au moyen du chiffre colossal de 7 672 sondages, pratiqués à l’aide d’une petite cloche d’acier à bord coupant et dont 3 000 ont fourni une certitude géologique. Cette carte, qui est un chef-d’œuvre peut-être unique d’hydrographie et de géologie combinées, n’est en quelque sorte que la prolongation sous le détroit, — avec une précision presque aussi grande, — des cartes géologiques des sols anglais et français établies par les savans des deux pays. On y voit le sol sous-marin découpé en larges bandes constituées par des couches géologiques affleurant en biseau et courant d’une rive à l’autre et qui ne sont autres, d’après les échantillons recueillis et classés un à un, que les couches observées dans les falaises des deux côtés du détroit et qui plongent sous la mer en