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Russies, les multiples et diverses Russies, la Grande et la Petite, la Noire, la Blanche et la Rouge, remontaient au jour. Les peuples se relevaient du fond de l’histoire, se comptaient, et se définissaient. Une description de la Russie, ancienne déjà et qui n’a pas été faite pour les besoins de la cause, nomme les Russes, « Moscovites, Russiens, Roussniaks, habitans de l’Oukraine, Kosaks, Polonais, Lettons, Lithuaniens et Latiches, les pays tchoudes, la race ouralienne, Finnois et Finlandais, les Souomes, les Suédois, les Lapons, les Tatars, Mongols ou Turks. » N’oublions pas les Arméniens, ni les Juifs, qui semblent avoir joué dans la révolution un rôle considérable et vouloir se reconstituer à l’état de nation; mais nous en oublions d’autres. En somme, vingt et une nationalités ont été conviées à l’Assemblée ; dix-neuf se sont empressées de s’y faire représenter officiellement. Deux ont refusé, l’Oukraine et la Finlande : elles se dérobent à la solidarité russe.

Il y avait, en outre, une question Korniloff, autrement dit la question du commandement et de la discipline, qui se reliait à l’une et à l’autre de ces deux questions principales : les nationalités et les partis. Comme le généralissime avait ses adversaires, il avait ses partisans : deux factions. L’Union des Cosaques, l’Union des Chevaliers de Saint-Georges ne se bornaient pas à protester contre les critiques qui lui étaient adressées. Les Cosaques déclaraient que Korniloff (lui-même fils de Cosaque) est « le véritable chef national militaire» et qu’il ne doit pas être remplacé, parce qu’il a la confiance de toute la nation. Si, à son tour, il était obligé de s’en aller, les Cosaques « reprendraient leur entière liberté d’action. » De même les Chevaliers de Saint-Georges, et ils l’avaient fait savoir par une dépêche à M. Kerensky. Si Korniloff était conduit à donner sa démission, ils avaient résolu de « faire l’alarme militaire, » et, d’accord avec les Cosaques, de « passer aux actes énergiques. » Dans le monde politique, le général en chef était ouvertement soutenu par M. Rodzianko, interprète autorisé des sentimens de la Douma, violemment assailli par les « maximalistes » qui feignaient de reconnaître en lui l’instrument de cette contre-révolution qu’ils disaient imminente, mais qui surtout ne lui pardonnaient pas de vouloir rétablir dans l’armée le respect, le silence et l’obéissance, même au prix des extrêmes rigueurs. Et il y avait d’autant plus une question Korniloff qu’il y avait eu un incident Korniloff. Le généralissime était venu à Pétrograd assister à l’une des réunions préparatoires de l’Assemblée nationale, tenue par les ministres. Tandis qu’il était là, exposant les