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et la crainte de provoquer de nouvelles difficultés intérieures en passant par-dessus la résistance des Conseils. Aussi bien la dualité du pouvoir que Kérensky lui-même a contribué à créer, en renouvelant dès le premier jour de la révolution l’ancien « Conseil des délégués ouvriers » qui fonctionna pendant l’éphémère révolution de 1905, et auquel on a adjoint les délégués des soldats, fut un bâton bien dangereux dans les roues de son char. Ce n’est qu’à force d’habileté, de concessions, de persuasion éloquente et aussi de sincérité patriotique qu’il arrive à maintenir l’équilibre. L’accord qu’il a réussi à créer entre un gouvernement qui n’a pas force de loi et les factions qui le dominent, reste factice et éphémère.

Korniloff en a jugé ainsi. Homme de guerre et homme d’action, il réalise sa pensée en actes. Partisan de la révolution, il ne l’est pas de ses excès et les détesté. Au besoin, il estimerait qu’avant la révolution il y a la Russie à sauver. D’ailleurs, il professe — ses ordres du jour en sont la preuve — que sauver la Russie, c’est sauver la révolution. Il ne comprend pas sous le nom de « conquêtes révolutionnaires » tout ce qui est désordre, licence, indiscipline, anarchie. C’est cela, et non pas la liberté, qu’il a voulu extirper de l’armée russe.


1/14 septembre. — Les cloches des églises se sont tues, un autre bruit leur succède : la fusillade des Cosaques poursuivant à travers les rues la fuite des maximalistes, semeurs de discordes et profiteurs de troubles.

Le bruit court que le général Korniloff a offert de se rendre sous certaines conditions. Le gouvernement provisoire n’admet qu’une reddition pure et simple, encore qu’il y ait dans son sein plus d’un homme faisant des vœux pour le succès du général… Kérensky, nommé généralissime, marche contre son ancien collaborateur, à la tête des armées révolutionnaires de Pétrograd… La foule se prononce pour lui, la suprême tentative de l’ex-généralissime semble vouée à un échec certain…

l’ourlant, le programme de Korniloff, dicté par des circonstances dont le pathétique dépasse tout ce que le monde avait pu prévoir, aurait peut-être assuré le salut de la Russie !…


MARYLIE MARKOVITCH.