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Villers-Saint-Christophe. Ce qui prouve, soit dit en passant, qu’ils n’avaient pas l’intention de s’en aller si vite… Eh bien, regardez ce qu’ils ont fait, avant de partir, pour saboter la récolte.

On distingue très nettement, sur le sol, entre les épis, une balafre irrégulière qui écorche la glèbe. Ils ont manœuvré, en rond ou en zigzag, une charrue dont le soc a creusé cette profonde déchirure entre les sillons. Sabotage odieux et absurde, qui d’ailleurs n’empêche pas le commandant et ses hommes de faire la moisson et de mettre le blé en javelles, dans l’intervalle des batailles.

Ce n’est pas tout. Plusieurs maisons d’Aubigny ont été rebâties par la troupe. Des baraquemens ont été construits pour servir d’abri provisoire aux cent dix habitans qui sont revenus à leurs foyers. L’abreuvoir a été désinfecté, ce qui n’est pas une besogne facile, les équipes sanitaires étant souvent obligées de se munir de masques pour éviter l’asphyxie en procédant à l’assainissement de tout ce que les Allemands ont souillé de leurs immondices. Après qu’on eut pris cette précaution et d’autres mesures, non moins prophylactiques, l’école d’Aubigny a pu être rouverte, le 15 juillet, et recevoir une soixantaine d’enfans, y compris ceux de la commune de Villers-Saint-Christophe.

Cette commune, située à dix-sept kilomètres de Saint-Quentin, fait partie du district actuellement administré, avec le concours de l’autorité militaire, par M. le sous-préfet Dupin, Ce fonctionnaire très dévoué, très actif, aura fort à faire. Dans l’arrondissement de Saint-Quentin, on compte déjà 3 820 maisons entièrement détruites. Le chiffre de celles que l’on peut considérer comme réparables ne dépasse pas 314. Voilà de l’ouvrage pour les pouvoirs publics et pour l’initiative privée. On s’est mis au travail, très vaillamment, mais la tâche est immense.

— Voulez-vous des chiffres ? me dit M. Dupin, tirant de sa poche un carnet. Avant la guerre, le canton du Saint-Simon en Vermandois (lieu d’origine du célèbre auteur des Mémoires) comprenait une superficie de 11 564 hectares de terres cultivables. Aujourd’hui, le chiffre des hectares en état d’être ensemencés dans ce canton, est de 9 200. Dans le canton de Vermand, les communes de Fluquières, de Roupy, de Douchy, de Beauvois, de Foresre, de Germaine, d’Etreillers, de Francilly, d’Holnon, totalement ou partiellement ruinées, ont vu