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essaimaient des comités de Salut public, qui ajoutaient au trouble sans ajouter à la sécurité. Dix mille fusils étaient distribués à la partie de la population de Pétrograd la plus capable et la plus désireuse de s’en servir. Les avant-gardes de Korniloff se montraient à quelques lieues de la ville, jusque dans ses faubourgs. L’alerte fut chaude, mais brève. Dès le 15, alors que la position de Kerensky paraissait, de loin, éminemment précaire, on annonçait que « tout espoir de conciliation n’était pas perdu, » que Korniloff était sur le point de se soumettre, que ses troupes, éclairées par les Conseils d’ouvriers et de soldats, l’abandonnaient, que le chef d’état-major Alexeïeff était allé le chercher à son quartier-général, enfin que sa soumission était faite.

C’est tout ce que nous savons, mais nous ne savons pas tout, et même ce que nous savons, nous le savons mal. Nous ne pouvons guère que poser des questions. Qu’est-ce que Kerensky, ayant fait ce qu’il a fait contre Korniloff, va faire maintenant contre des Comités devenus d’autant plus encombrans et entreprenans qu’ils se figurent avoir sauvé la révolution ? Qu’est-ce qu’il va faire de leurs motions et de leurs injonctions ? Il y en a de presque raisonnables, mais il y en a plus encore d’insensées et de ruineuses. Qu’est-ce que cette « Assemblée démocratique » à recrutement étroit qui se prépare, en attendant la Constituante qu’on semble à présent vouloir hâter ; la Conférence de Pétrograd ne va-t-elle pas prendre le contre-pied de la Conférence de Moscou ? Qu’est-ce que ce ministère resserré, ce Directoire de cinq membres ? Quels sont ses pouvoirs ? Qu’est-il au juste par rapport à ce qu’on nommait le gouvernement provisoire ? Mais d’abord où en est-il, vis-à-vis des généraux qui ont provoqué, et conduit le mouvement ? Quelle attitude va-t-il tenir, quelle politique va-t-il adopter envers eux ? Kaledine est-il toujours ou n’est-il plus ataman des Cosaques du Don ? Ces Cosaques, s’étant recueillis à Novotcherkask, sont-ils ou ne sont-ils pas apaisés ? Quant à Korniloff lui-même, « l’affaire, comme on l’a dit, est-elle liquidée ? » Est-il exact que Korniloff, tout en voulant forcer la main au gouvernement, ait donné l’ordre de ne jamais, en aucun cas, tirer sur les troupes de Kerensky ; et que, Kerensky, tout en condamnant l’acte violent de Korniloff, le reconnaisse fondé en ses motifs ? Bien d’autres questions se poseraient, par surcroît, mais voici celle où nous en voulions venir : Kerensky et Korniloff, d’accord au point de départ, ne pourraient-ils se retrouver d’accord au point d’arrivée ?

Nous en formons ardemment et profondément le vœu. Il parait