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petit soldat, en partant pour la guerre, s’était dit, dans le secret de son âme, pour s’expliquer la grandeur de son sacrifice !


L’honneur est grand, — déclarait-il, — de vous parler, à cette heure où vit en vous toute l’âme de la France. Il est grand surtout pour le vétéran de la guerre douloureuse, dont le cœur, meurtrit par l’inoubliable blessure, bat à grands coups, d’espérance et de fierté, en saluant les vengeurs de la patrie.

Qui de vous, depuis le général en chef jusqu’au simple soldat, ne porte en lui, gravée par l’histoire de sa race, l’image de la patrie, terre des pères, ensemble sacré de nos demeures et de nos champs, mère des vivans et gardienne des morts, chérie d’un instinctif et puissant amour !…


Cependant, l’heure des rencontres formidables approchait. L’occupation de Bruxelles, l’invasion allemande dans le Nord-Ouest de la Belgique, Morhange, Charleroi, la retraite, l’invasion de la France : autant de dates et d’événemens douloureux, et que nos premiers succès ne nous faisaient point prévoir. L’attitude d’Albert de Mun est alors admirable. Jamais il n’a mieux mérité ce titre de « ministre de la confiance nationale » qu’il se donnait plus tard à lui-même. Si grave que soit la situation, il se défend de désespérer. Toutes les raisons précises et positives que nous pouvons avoir de croire à un prochain retour de fortune, et à la victoire finale, il les ramasse en un faisceau saisissant, il les commente avec une vivacité d’intuition, une vigueur persuasive qui vont porter la foi et l’espoir dans les esprits les plus troublés, les cœurs les plus inquiets. Sans nier le moins du monde les faits acquis, sans en diminuer le caractère douloureux, il les ramène à leurs proportions véritables dans l’ensemble des opérations, dans la situation générale. Il corrige et redresse les imprudences et les fausses manœuvres que les pouvoirs publics, dans leurs communiqués, dans leurs informations officieuses, ont plus d’une fois commises. Il relève les courages abattus, il exalte les volontés faiblissantes ; il parle à chacun le langage qu’il peut le mieux entendre. A tous il rappelle, au nom même de « nos enfans » qui comptent sur nous, le grand, l’imprescriptible devoir de la courageuse patience.


Croit-on, s’écrie-t-il, que je ne souffre pas, ayant mes fils et mes proches dans l’action, et que je ne compatis pas de toute mon âme à