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vérité. Je sais que vous êtes très sensibles sur le chapitre de votre presse. Mais il est nécessaire que cesse votre aveuglement. Il ne laisse naître ni confiance ni attachement, mais il crée la discorde dans la ville et dans l’Etat. Tâchez de bannir cet esprit d’hostilité. Faites en sorte de vous améliorer… Il est temps que cela finisse, ou bien c’est moi qui vous corrigerai ; j’en ai la volonté, et les moyens. Veillez à vous amender à bref délai. Sans quoi nous ne resterons pas bons amis, et je vous garantis que j’aurai recours aux mesures les plus rigoureuses. »

Ce discours résume exactement la situation. Il prouve qu’après trente-six années de domination, la Prusse n’est pas plus avancée qu’au premier jour. D’une façon générale, les populations rhénanes n’ont pas encore accepté le destin que leur ont imposé les traités de 1815. Mais à ce moment un fait important se produit, et Napoléon III, en France, devient empereur. Son règne, avant la catastrophe de 1870, va fournir à la résistance de nouveaux alimens.


II. — LE SECOND EMPIRE

Pendant cette période, tandis que la Hesse et la Bavière font preuve d’une certaine indulgence à l’égard des survivances françaises, la Prusse, malgré tous les indices qui pourraient faire croire à la précarité de sa domination, s’efforce de s’implanter sur la rive gauche du Rhin : tant qu’elle occupe ces riches territoires, elle y lève des impôts qui profitent à tout le royaume, et elle y trouve des recrues qu’elle incorpore dans son armée. Elle ne change donc rien à ses méthodes ; elle agit sur l’opinion par l’enseignement et par une presse qu’elle subventionne ; elle inonde le pays sous le flot de ses immigrans, qu’elle appelle Kulturträger ou porteurs de civilisation ; elle tente de germaniser la Wallonie et décrète en 1863 la suppression absolue du français dans les actes administratifs du cercle de Malmédy ; elle remplace le 14 avril 1851 notre code pénal par de nouveaux textes qui, en donnant satisfaction aux Rhénans, préparent une invasion plus complète de la législation prussienne, et qui ne resteront en vigueur que pendant dix-neuf années.

Malgré l’oppression qu’ils exercent politiquement, les ministères successifs ne négligent pas l’organisation matérielle et économique de la province dans la même mesure qu’ils le