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qui consentirait difficilement à céder des régions allemandes. Il semble bien cependant qu’il ait précisé ses offres, car de Paris, Nigra peut écrire le 31 mai que la Prusse serait disposée à accorder à la France tout le pays situé entre la Moselle et le Rhin. Le résumé d’une nouvelle entrevue qui a lieu quelques jours après confirme les renseignemens de Nigra. Une fois de plus Bismarck met en avant son roi, et il ajoute que lui-même veut conserver Cologne et Mayence. Mais il fait bon marché du Palatinat, de l’Oldenbourg, et des possessions prussiennes situées au sud de la Moselle, car il est « moins Allemand que Prussien (io sono meno tedesco che prussiano.) Ce pas franchi, il s’adresse à Benedetti qui se dérobe et il lui fait à peu près les mêmes propositions. Il est à ce moment impatient d’avoir une réponse de nous et il le sera jusqu’à la dernière minute, car il chargera le 11 juin le général hongrois Türr de partir pour Paris avec mission de le renseigner sur les intentions de la France et de faire à l’Empereur des offres de territoire, offres dont l’étendue d’ailleurs est restée ignorée, rien n’ayant transpiré de l’entretien que le général eut avec le prince Napoléon.

Il est donc bien évident que nous aurions obtenu de Bismarck tout ce que nous aurions désiré, si nous avions voulu prêter l’oreille à ses sollicitations et le suivre dans ses marchandages. Nous ne l’avons pas fait parce que nos intérêts nous entraînaient bien plus du côté de l’Autriche et des États du Sud. Au début de juin, la question du reste est déjà tranchée, puisque c’est avec Vienne que nous négocions : en d’autres termes, à Paris, le courant austrophile représenté par Drouyn de Lhuys l’a emporté, sous une forme sans doute trop modérée, mais du moins conformément aux aspirations de notre clientèle allemande. Le pacte secret du 23 juin, conçu dans un esprit tout passif, nous fait encore la partie belle. Par l’article premier, le gouvernement français s’engage à conserver la neutralité absolue et à tâcher d’obtenir celle de l’Italie. Par l’article 2, si l’Autriche est victorieuse en Allemagne, elle promet de céder la Vénétie à Napoléon III. Enfin le dernier article prévoit le cas où l’Empereur voudrait placer son mot dans le débat : « Si les événemens de guerre changeaient les rapports des puissances allemandes entre elles, le gouvernement autrichien s’engage à s’entendre avec le gouvernement français avant de sanctionner les