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Le jour, vers cinq heures, commençait cependant à baisser, et on s’arrêtait, à la nuit, dans une localité du nom de Regret. Les compagnies faisaient la soupe, et le capitaine de Visme félicitait la sienne. Il payait à chacun un quart de vin, encourageait ses hommes, et leur annonçait qu’ils allaient coucher à Verdun, à la caserne Marceau… Puis, le bataillon repartait encore, entendait bientôt tonner le canon, et ne tardait pas à croiser des régimens qui semblaient revenir du combat.

On leur criait alors au passage :

— Eh ! là-bas… Vous venez de Verdun ?

— Oui.

— C’est loin, Marceau ?

— Quatre kilomètres…

Une heure ensuite, seulement, on n’apercevait pas encore Marceau, et d’autres troupes, passant toujours, répondaient de même aux mêmes interpellations. Néanmoins, on marchait de bon cœur, le canon tonnait de plus en plus, et, au pied d’une côte, où l’on continuait à rencontrer des troupes, les hommes leur criaient encore :

— Et Marceau ?

On leur répondait enfin :

— C’est là-haut…

Il y avait plus de vingt heures qu’ils étaient en marche, et la route, à leur arrivée, se retrouvait aussi boueuse, la boue aussi glissante, la pluie aussi glacée, l’obscurité aussi notre qu’au départ. Quelques hommes, malgré leur courage, avaient dû rester en chemin, d’autres pleuraient de souffrance, tous tombaient de lassitude, et la caserne était si encombrée qu’on ne voulait pas d’abord les recevoir. Devant l’insistance, et presque la violence, du capitaine de Visme, on consentait cependant à les loger, et ils pouvaient enfin, un peu avant minuit, écrasés de fatigue et de sommeil, s’étendre sous un abri. Mais ils n’y reposaient pas depuis trois heures que le colonel faisait appeler les capitaines, et leur disait, vers deux heures du matin :

— Messieurs, vos hommes ont déjà fait une marche terrible… Considérez-vous pourtant comme possible de les remettre encore en route, pour engager le combat à cinq kilomètres d’ici ?

— Mon colonel, lui répondait le plus ancien du grade, le