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femme, il avait acheté un petit terrain derrière le Carmel, entre Saint-Martin et le faubourg du Toulon, s’y était fait bâtir une maison, et devait l’habiter jusqu’à sa mort.

Le jeune Maurice était un enfant particulièrement docile et doux, mais d’une sensibilité extrême, et qui se troublait et pleurait au moindre mot. Aucun élève, au pensionnat Saint-Jean, n’était cependant aussi aimé des autres, car aucun ne s’oubliait pour eux d’aussi bon cœur. Unanimement désigné un jour par ses petits camarades pour la mention d’honneur à décerner au plus méritant, lors d’une tournée du Frère visiteur, il en avait rougi jusqu’au blanc des yeux, et fondu tout à coup en larmes. Puis, la visite ayant prolongé la classe, et sa mère lui ayant demandé un peu sévèrement pourquoi il rentrait si tard, il lui en avait donné la raison, mais avec un si grand trouble, et tellement bouleversé, qu’elle en était restée elle-même tout émue.

Mme Portas avait un cousin germain curé à Beaussac, joli village du canton de Mareuil-sur-Belle, et le petit Maurice n’avait pas encore dix ans qu’il déclarait déjà vouloir se faire prêtre comme son oncle l’abbé Geneste. Toute sa joie était d’aller le voir avec sa mère, et tout son rêve de venir vivre un jour au presbytère. Aussi, après sa première communion, les Portas avaient-ils consenti à l’envoyer chez leur parent, qui se trouvait désormais chargé de son éducation, et pouvait juger à loisir de l’enfant confié à sa direction. De cœur tendre et d’âme délicate, mais timide, et toujours prêt, selon l’expression même de son oncle, à se « recoquiller » au moindre reproche, comme ces fleurs qui se referment au moindre nuage, il préférait la retraite à toutes les camaraderies, ne demandait qu’à être seul, et ne restait en même temps jamais inoccupé, faisant de la menuiserie et de la peinture, s’amusant à dresser des bêtes, et remplissant ainsi tous ses instans. Avec cela, détestant le travail des champs, et extraordinairement peureux ! Il avait même fallu pratiquer entre sa chambre et celle du curé un guichet qui restait ouvert toute la nuit. Autrement, il n’aurait jamais pu dormir. Son oncle lui donnait des congés pour aller voir ses parens, et son père et sa mère l’engageaient alors à les prolonger un peu, mais il s’y refusait toujours, et leur répondait gravement que, devant un jour être prêtre, il ne pouvait pas rester chez eux passé le temps permis. L’abbé Geneste l’avait déjà ainsi comme pensionnaire depuis