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lui faire perdre, il n’hésitait pas à rompre, se résignait d’avance aux épreuves qui ne pouvaient manquer de lui advenir, et l’exode de ses enfans, pour les régions perdues où ils s’étaient expatriés, n’en avait été que la conséquence.

Puis, le temps avait passé, et les de Foras se faisaient à la vie d’Amérique, lorsque le coup de tonnerre de la guerre leur arrivait dans leur exil. Le comte Barle avait dix enfans, et Ferdinande, leur aînée, la filleule de l’apostat, sentait alors se réveiller en elle toutes ses générosités héréditaires. Ses frères étaient partis défendre leur pays, ses oncles étaient comme eux sur les champs de bataille, des Anglaises et des Canadiennes s’engageaient elles-mêmes pour le service des blessés, et sa résolution était vite prise. Elle s’engagerait comme elles, et rien ne l’arrêterait, ni les difficultés, ni la longueur du voyage, ni les prières ni la tendresse même de ses parens ! Et elle s’embarquait pour la France, se rendait à l’ambulance de Dinard où l’envoyait la Croix-Rouge, et où sa foi, sa jeunesse et sa race accomplissaient des prodiges. Mais elle allait y perdre sa santé, y contractait un mal qui ne lui pardonnait pas, et mourait à Genève, le 19 décembre 1915, décorée dans ses derniers jours de la Médaille d’Or des épidémies, entourée de l’affection de parentes accourues à son appel, et martyre de sa charité !

Fors l’Honneur nul souci… C’est la vieille devise des de Maistre, et ils ne devaient pas y forfaire. Du vieux blason de famille, et des pages immortelles de l’écrivain-prophète, toute une tribu héroïque devait se lever ainsi dans les descendans, les neveux et les porteurs mêmes du nom ! Après le génie du premier, les vertus et la foi des autres ! Après le plus riche héritage de vérité, la plus riche abondance de sang joyeusement donné !


MAURICE TALMEYR.