Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand elles auront gravi les dernières crêtes de Passchendaele et détruit les nids de mitrailleuses dont se hérisse la forêt d’Houthulst, commanderont les trois routes de Staden, de Roulers et de Menin, par où les Allemands s’en iront. Il se pourrait alors que, sans que la côte eût été bombardée, ils fussent décrochés de la côte. Et qui sait si cette perspective ne contribue pas à les rendre plus raisonnables sur le chapitre de la Belgique ? Plus raisonnables, exception faite naturellement pour les fous du pangermanisme : encore ces fous-là ne sont-ils pas peut-être aussi incurables qu’ils affectent de l’être, et peut-être y a-t-il dans leur cas une part de simulation. Vont-ils entendre la fanfare, de joyeux augure pour nous, qui s’élève des bords de l’Aisne, au Sud-Ouest de Soissons, par-dessus les 70 canons enlevés et les 8 000 prisonniers faits aux « meilleures troupes de l’Allemagne, » derrière leurs zeppelins abattus ?

La précédente quinzaine avait été pour la diplomatie allemande la quinzaine belge ; celle-ci appartient à l’Alsace-Lorraine. La Wilheimstrasse, comme les Muses, aime les jeux alternés. Mais sa manière n’est pas de glisser, elle appuie, et sa manœuvre, peu à peu, se dessine et se précise, jusqu’à en découper les gestes en ombres chinoises sur la toile tissée du fil blanc de ses malices. Le prologue de la comédie, ou du moins de cette comédie, de celle qu’on nous donne en ce moment, et qui n’est pas la première, a été récité, non pas à Berlin par le Chancelier, son secrétaire ou ses sous-secrétaires d’État, mais à Vienne par le ministre austro-hongrois des Affaires étrangères, le comte Czernin, au lendemain de l’envoi des réponses à la Note pontificale. « La paix tout de suite, ou la guerre à outrance ! » disait, en somme, le comte Czernin. « La paix, » feignait de dire, depuis sa résolution du 9 juillet, la majorité du Reichstag allemand. Et ce n’étaient que murmures endormeurs, paroles douces, comme chantées, bouche close, à un enfant qu’on berce. La voix allait décroissant, à mesure que la fatigue gagnait. D’abord l’Allemagne, en décembre 1916, promettait seulement de n’être point intraitable; puis l’Autriche, sous les auspices du nouveau règne, cherchait des accommodemens ; puis l’Allemagne, à son tour, descendant des généralités à la géographie, se montrait avec ostentation arrangeante, ou prête à l’être, ou inclinée à le devenir, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, qui changeaient, n’étaient jamais les mêmes, et s’effaçaient, si l’on essayait de les marquer. Elles espéraient que la monotonie du refrain produirait à la longue des effets d’assoupissement. Mais, de temps en temps, quelqu’un faisait du bruit, remuait les meubles,