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quart d’heure de la lutte gigantesque, de la bataille universelle où les peuples sont engagés contre les peuples, sera la victoire des races, des nations, des institutions, des gouvernemens, et, pour tout résumer d’un mot : la victoire des âmes. Nous l’aurons, mais plus sûrement, et plus tôt, et plus facilement, si nous y pensons toujours et si d’autre chose nous ne parlons jamais. Changeons le refrain de la chanson, réveillons ceux qui nous endorment, sortons de l’ombre du mancenillier.

Chez nous, la race est bonne, la nation est saine, les institutions tiennent et se tiennent tant bien que mal, nous sommes couverts par toute notre histoire comme par un bouclier ; le point névralgique, il y a longtemps qu’on le signale ici, c’est le gouvernement. Mais le mal n’est pas seulement un mal français, et même n’est pas seulement un mal commun aux pays de l’Entente, qui seraient en état d’infériorité par rapport à la fameuse organisation allemande. La coalition de l’Europe centrale en souffre tout autant que nous. L’énormité de la tâche que les gouvernemens ont eu à remplir, dans l’un et l’autre camp des Puissances belligérantes, a partout mis à l’épreuve le matériel et partout usé le personnel de gouvernement. En rien, peut-être, l’usure produite par une longue guerre n’est plus marquée. L’Autriche-Hongrie, où ces sortes de crises sont chroniques, paraît pour l’instant apaisée ou assoupie dans la somnolence troublée de cauchemars du second ministère Seidler et du ministère Wekerlé. La Bulgarie et la Turquie ne vivent pas politiquement; c’est l’Allemagne qui vit pour elles. L’Empire allemand, chef du chœur, suprême seigneur de la guerre, est lui-même en proie aux discordes, et languit de la défaillance de l’autorité, de la carence du gouvernement. Guillaume II, à son retour de Sofia, où le tsar Ferdinand (puisqu’à présent il n’y a plus de tsar que le bulgare), quoiqu’il lui ait épargné les barbarismes de son latin, lui en a dit quand même de fortes, qui montrent à nu les convoitises de ce que le Cobourg appelle son peuple, Guillaume II va avoir à résoudre une difficulté qui n’est pas mince, et qui pourra être double. On a annoncé que le ministre de la Marine, l’amiral von Cappelle, emporté par les révélations singulières sur les mutineries de la flotte allemande, dans lesquelles on lui avait fait envelopper plus ou moins artificieusement une attaque contre les tendances de certains partis du Reichstag, a dû donner sa démission. On a ajouté que cette démission ne serait pas la seule, qu’elle en entraînerait une autre, par quoi, une troisième fois depuis 1914, s’ouvrirait en Allemagne une vacance de la Chancellerie. Ce