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les livres « qui font plus d’honneur. » Les gens de cour et de luxe suppriment du mariage la vie commune, le foyer, les occasions et le goût de survivre en une abondante descendance, et, témoignage de l’inconséquence où se plaît alors l’esprit, c’est quand avoir des enfans n’est plus à la mode, que Jean-Jacques enseigne aux mères la mode de nourrir leurs enfans. Néanmoins si, en France, la société la plus brillante ne fournit plus sa part d’autrefois au renouvellement de la race, c’est un déficit encore insensible dans la fécondité de la nation. Ceux qui parlent ou écrivent, les seuls qui comptent, sont dans la nation une minorité infime. La bourgeoisie presque entière, et toute la masse des ouvriers et des paysans, c’est-à-dire la France presque entière, reste ce qu’elle était, et dans la préservation de ses croyances et de ses mœurs perpétue la vie.

La Révolution française apporta à la minorité le pouvoir de changer ses préférences en commandemens. Au nom de l’individu, le droit de propriété fut aussitôt modifié, la liberté testamentaire cessa d’appartenir aux chefs de famille, à leur mort un droit supérieur à leur volonté produisit la division égale et automatique de chaque patrimoine entre tous les enfans, à chaque génération chaque patrimoine fut désagrégé en débris d’autant plus minimes et avec des frais d’autant plus lourds qu’il y avait plus de copartageans : c’était décourager à la fois les domaines durables et les familles nombreuses. Devant l’individu tombèrent les barrières des métiers, chacun eut licence d’employer ses bras avec le profit qu’il pourrait, sans aide ni contrôle de personne : c’était favoriser le célibat au lieu du mariage. Que l’individu, pourtant, gardât sa foi chrétienne, elle demeurerait sa meilleure défense contre les institutions, nouvelles conseillères de stérilité. Mais Dieu était l’ennemi de la Révolution, le pire des rois : tandis que les autres opprimaient chacun une race, lui opprimait la raison universelle, et il devait être détrôné comme les autres, plus que les autres, et contre lui surtout la violence fut continue, multiforme et atroce.


III

Dans la Révolution le bien et le mal étaient si inextricablement mêlés, les expériences les plus redoutables