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soirées ne sont pas aussi remplies, elle est tentée de s’en plaindre : « J’ai fait tristement toute la semaine dernière, écrit-elle le 9 pluviôse (29 janvier), parce que Mme Caroline a été malade et que, par cette raison, elle n’est pas sortie. J’ai donc manqué un bal chez la princesse Louis mercredi et le petit concert des Tuileries le samedi ; le même jour, j’étais invitée à dîner chez Mme Soult, mais j’étais un peu incommodée, de sorte que Saint-Cyr m’a excusée. J’ai aussi manqué le grand cercle des Tuileries dimanche. Petit père m’a dit qu’il avait été très beau et surtout brillant de diamans. Toutes les femmes en avaient. Je suis encore restée toute la journée au coin de mon feu et tu dois juger combien j’étais heureuse, sachant le prix que j’attache à ma liberté. Mais aujourd’hui il n’en est pas de même : je dîne chez une puissance, chez Cambacérès. J’y ferai bonne chère, mais je m’y ennuierai. On n’y reste pas longtemps. De là, je ferai des visites. Pendant ma semaine Mme Murat a fait habiller la poupée tant promise. Je l’ai, je vais la faire emballer et à la première occasion je te l’enverrai : tout cela te servira de modèle pour les robes de cour, car, d’après les bruits publics, il y aura bientôt un roi et une reine en Italie, à Milan ; il paraît sûr que ce ne sera pas Joseph. Le Pape part de Paris du 10 au 15 février et l’Empereur quinze jours après. On ne parle plus de guerre et j’espère que Charpentier est à peu près rassuré à ce sujet. Je suis bien aise de voir que, dans ce cas, il était résolu à te renvoyer chez nous. Le maréchal Murat prétend qu’il l’a tout à fait oublié. Il dit qu’il y a un siècle qu’il ne lui a écrit. Notre princesse s’occupe du mariage d’Isidore ; c’est un secret que j’ai deviné, mais j’ignore encore quel sera l’heureux mortel. Je ne le saurai que quand ma semaine sera revenue. »


C’est à présent Mme Charpentier qui, par ses retardemens à écrire, cause à sa mère des inquiétudes qui préparent à un peu d’aigreur. Mme Saint-Cyr écrit le 20 pluviôse (9 février) : « Une chose très extraordinaire, c’est que ce n’est pas moi qui donne de tes nouvelles, ce sont les étrangers qui par les plus grands hasards du monde me procurent l’avantage d’en savoir. Avant-hier, ayant rendez-vous chez l’Impératrice, nous y trouvâmes le maréchal Jourdan, il nous dit qu’il recevait souvent des