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cette conduite de Mme Tallien ne devait nullement surprendre, car il l’avait toujours vue vivre enceinte. Tu donneras ces deux calembours à deviner. Tels qu’ils sont ici, ils ne sont que pour toi. »

Et voici l’orage. Elle écrit le 9 ventôse (28 février) : « Quoique je sois fondée à croire qu’il suffit que je vous donne des conseils, à ton mari et à toi, pour que vous ne les suiviez pas, cependant il y a des devoirs à remplir dans la vie, que (dont,) dans quelle passe où l’on se puisse trouver, rien ne peut dispenser, et ton mari est dans ce cas-là vis-à-vis du général Murat. Charpentier ne cessait de me dire pendant le séjour que j’ai fait à Milan qu’il lui avait des obligations infinies concernant son avancement militaire et son accroissement de fortune. Comment se fait-il que, dans une circonstance aussi flatteuse pour le maréchal Murat, au moment où il est porté où se bornaient ses vœux, au moment, dis-je, où le sénatus-consulte le fait prince, Charpentier soit le seul qui ne lui donne pas une marque de souvenir ? Je sais à n’en pouvoir douter qu’il en a fait la remarque et qu’il y est très sensible. On peut être content de son sort, n’avoir plus d’ambition, mais je crois que, dans la société, il ne faut jamais oublier les procédés et ne jamais manquer aux égards et à la reconnaissance qu’on est en droit d’exiger de vous. Voilà mon mot, faites-en ce que voudrez. »

Il faut croire que cette fois Mme Saint-Cyr avait été prévenue par son gendre, et que Murat ne l’avait point mise au courant. Le 25 pluviôse (14 février), Charpentier avait écrit à Murat qui répondit à sa lettre de félicitations le 11 ventôse (2 mars)[1], deux jours après que Mme Saint-Cyr eut envoyé cette leçon à sa fille.

Au reste, le flot passé, elle ne s’arrête pas, et elle arrive aux nouvelles : « Nous avons eu samedi dernier, écrit-elle, un bal chez Mme Soult où ont assisté l’Empereur et l’Impératrice, les princes et princesses Louis et Murat et les maisons de l’Impératrice et des deux princesses. Le bal a été très joli. Dimanche, petit bal chez notre princesse. Il n’y avait que Mme Louis et sa maison, Mmes Savary, Bernadotte, Maret[2], Lavalette[3], Petiet, Isidore

  1. Murat, Lettres, III, 340, n° 1817.
  2. Marie-Madeleine Lejeas, mariée le 21 mai 1801 à Hugues-Bernard Maret, secrétaire d’État, ministre, etc., alors âgé de 38 ans, dame du palais de l’Impératrice.
  3. Emilie-Louise de Beauharnais, nièce de Joséphine, mariée le 18 mai 1798 à Antoine-Marie Chamans-Lavalette, dame d’atours de l’impératrice.