Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/321

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Angleterre à se déclarer. C’était l’envoyer au sacrifice. Mais, du même coup, nous enlevions aux Allemands la chance d’opérer d’importantes destructions sur notre littoral préalablement à la déclaration de guerre, puisque nous considérions, leur apparition en Manche comme son équivalent. En conséquence de quoi, à minuit 30, était expédié en toute hâte le radiotélégramme dont voici la teneur :

Marine Paris à amiral (Marseillaise). — Appareillez immédiatement et défendez par les armes le passage de la flotte de guerre allemande partout à l’exception des eaux territoriales anglaises. Accusez réception par télégramme.

Quant à l’accomplissement de ce nouveau programme, l’amiral commandant en chef devenait seul juge des dispositions à prendre pour faire au moins payer le plus chèrement possible un passage qu’il ne pouvait en aucun cas empêcher. Je ne suis jamais parvenu à découvrir par qui a été rédigé ce document télégraphique, destiné à rester fameux dans les annales de la marine française. Il ne semble pas de la main d’un marin, et « défendre par les armes le passage d’une flotte » est une tournure de phrase totalement inusitée. Mais quel que soit le jugement de l’histoire sur l’ordre à la Danton ainsi libellé, on ne manquera point de lui trouver fière allure. De plus, il établit surabondamment le défaut de toute connivence avec les Anglais, puisqu’il y est spécifié de respecter leurs eaux territoriales comme neutres.


Transportons-nous maintenant dans la Manche, où achèvent de se rassembler les divers élémens de la Deuxième escadre légère, Sous ce nom qui évoque bien une simple formation de couverture, était groupée, autour d’un noyau de croiseurs, une quantité considérable de petits bâtimens, mais dont le nombre ne compensait nullement la faiblesse. En voici la composition :

CROISEURS CUIRASSES. Première division : Marseillaise (pavillon du contre-amiral Rouyer), Condé, Amiral Aube, trois vieux croiseurs de 10 000 tonnes, filant 21 nœuds et portant XI pièces de 194, VIII de 164 et IV de 100. Détaché dans le golfe du Mexique, le Condé se trouva remplacé par la Jeanne d’Arc, école d’application des aspirans qui rentrait de sa croisière annuelle.