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lesquels eurent plusieurs heureuses rencontres avec l’ennemi dans la mer du Nord, dont les deux belles victoires navales du Dogger Hank et du Jutland. « Si au moins nous tombions sur quelque croiseur allemand rentrant de campagne, fùt-il beaucoup plus fort que nous ! » — m’écrivait un jeune officier. Faute de quoi le public a pour ainsi dire ignoré la part considérable qui revient à nos marins du Nord dans le succès de notre résistance contre l’envahisseur. A leur actif il n’a retenu que le nom de Dixmude, que lui ont fait connaître les communiqués du généralissime et que M. Ch. Le Goffic a célébré ici même en des pages fameuses. A n’en pas douter, ceux qui arrêtèrent l’armée allemande en marche sur Calais sont des héros et jamais on ne leur rendra assez hommage. Mais parce que les autres n’ont pas eu l’occasion de se faire tuer avec éclat, les horribles disparitions par suite de mines ou de torpilles dues à la guerre sous-marine ayant fini par devenir presque banales, faut-il oublier que, sans eux, les victoires de la Marne et de l’Yser n’auraient pas eu de lendemain ?

Le remplacement de l’amiral Rouyer (27 octobre 1914) marque la fin d’une phase caractéristique des opérations dans la Manche et dans le golfe de Gascogne. Partout chassés de la surface des mers, les Allemands vont avoir recours aux submersibles, et en faire un emploi que nous n’avions pas su prévoir, malgré les enseignemens de l’amiral Aube, dont s’inspirèrent nos ennemis. Jugeant des leurs d’après les nôtres, nous nous refusions à en admettre l’efficacité. Il fallut les sanglantes leçons de l’expérience pour qu’on y cherchât remède. Ce furent d’ailleurs les Anglais, beaucoup plus menacés que nous, qui recoururent les premiers à l’armement des chalutiers, lesquels vont remplacer les navires proprement dits de combat dans la chasse aux sous-marins. Braves petits chalutiers ! C’est sur leur entrée en scène, véritable révolution dans les méthodes de la guerre navale, que je terminerai ce récit, me réservant pour une autre fois de conter leurs inlassables et trop souvent mortelles randonnées, à la poursuite d’un invisible et insaisissable ennemi.


Commandant EMILE VEDEL.