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libérale, qui mit un terme à la querelle des investitures, fut l’œuvre de ces deux derniers papes, et fil accepter par la chrétienté laïque les prérogatives légitimes du sacerdoce, telles que les avait précisées, avec le concours des bons canonistes de Liège, le bon sens français.

Six siècles d’histoire, dont l’Eglise sortit forte et fière, nous ont montré la France de Clovis remettant sous les yeux du monde barbare le Christ en toute sa gloire ; la France de Charles Martel consolidant pour toujours, à l’Occident, la frontière défensive de la chrétienté ; la France de Pépin donnant aux papes pignon en Europe ; la France des Clunisiens préparant la transformation d’une Papauté à demi serve en une Papauté pleinement souveraine : voilà l’œuvre de la poigne française et de la vigilance française durant la période de fondation de l’établissement catholique.


V

Il n’est peut-être pas un mot, dans la langue humaine, qui soit plus riche d’ambitions que le mot « catholique. » Il vise, sur toute la terre, toutes les âmes, et, dans chacune, le tout de l’âme. C’est un mot qui devant nous fait reculer l’horizon ; et les seules limites qu’il permette à nos regards sont celles que s’assigna lui-même, au jour où fut créée la terre, le geste de Dieu. Le catholicisme est une expansion toujours en acte ; et dans cet acte incessant il eut toujours la France pour outil.

La croisade fut par excellence une besogne française, issue d’une idée française. Il popol franco : c’est ainsi que le Tasse, au XVIe siècle, qualifie les croisés. « Les temps étaient venus, dit un chroniqueur, que le Christ avait fixés dans son Évangile, lorsqu’il dit : Qui est avec moi prenne ma croix et me suive ; et ce fut en Gaule que le grand mouvement s’ébranla. » Urbain II, qui venait d’excommunier le roi de France pour adultère, préside au concile de Clermont : il entraîne l’Europe à la suite des chevaliers et des manans de France, et la première croisade se met en branle, à la voix de ce Pape français. La voix de saint Bernard, un autre Français, signifie à l’Allemagne, pour qu’elle se mobilise, l’élan que le roi Louis VII va prendre vers Jérusalem, et la seconde croisade vogue à son tour vers l’Orient.