Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Grand Schisme éclate : Charles V prend parti pour le pape d’Avignon ; c’est un acte d’immense portée, par lequel il espère, très sincèrement, hâter le rétablissement de la paix. « Si je me suis trompé, dit-il en mourant, mon intention était d’adopter et de suivre toujours l’opinion de notre Sainte Mère l’Eglise universelle. » Le gallicanisme prend corps durant cette période de troubles ; et cela s’explique. On ne voit plus bien où est Pierre, on tâtonne, on cherche, en dehors de Pierre lui-même, une assise pour rétablir l’unité de l’Eglise.

En vue de ce rétablissement, la France travaille, de 1394 à 1409, à provoquer l’abdication des deux pontifes rivaux ; à cette même fin, elle multiplie ensuite les démarches pour faire prévaloir l’élu du concile de Pise. Elle entremêle à ses efforts pour l’unité tout un système d’idées gallicanes ; elle exploite ce système contre les pontifes qui ne veulent pas abréger le schisme en démissionnant. La phraséologie gallicane, sur certaines lèvres, est plutôt un expédient dirigé contre ces équivoques porteurs de tiare, qu’une atteinte systématique à la majesté même de la tiare. Ces gallicans du XVe siècle sont ardemment soucieux de l’unité de l’Église, unité de corps, unité de foi. C’est parce qu’ils ne veulent pas la juxtaposition de diverses tiares régnant simultanément sur divers groupes de nations, c’est parce qu’ils ne caressent pas un seul instant la pensée de fonder une Église nationale par rupture de l’unité, qu’ils veulent superposer aux Papes le Concile. Et leur gallicanisme n’est en somme qu’une méthode incorrecte, définitivement inacceptable depuis le concile du Vatican, en vue d’une fin légitime, catholique en son essence, en vue d’une fin qui était urgente : l’unité. Écoutez un moment les gémissemens de Gerson :


O si Charlemagne le Grand, si Rolland et Olivier, si Judas Machabaeus, si Eleazar, si saint Louis et les autres princes étaient maintenant en vie, et qu’ils vissent une telle division en leur peuple et en sainte Église qu’ils ont si chèrement enrichie, augmentée et honorée, ils aimeraient mieux cent fois mourir que la laisser ainsi durer.


Il ne faut pas que la division dure, voilà le but : le gallicanisme, voilà l’argument.

La France du XVe siècle veut qu’au schisme l’unité succède. La France du XVIe siècle, vis-à-vis de la Réforme calvinienne.