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la cathédrale de ce qui fait son harmonie et sa noblesse, et ne pas les panser, reculer devant une « restauration, » c’est la vouer à l’inévitable décrépitude, à la déchéance et à la mort.


Toutes les « espèces, » il faut bien l’avouer, ne seront pas aussi simples. Il faut répéter, ressasser qu’il est encore trop tôt non seulement pour résoudre, mais encore pour prévoir toutes les questions angoissantes qui s’imposeront à nous, quand nous ferons, après la guerre, le pèlerinage et l’examen de nos « ruines, » — qu’elles soient ou non reliées entre elles, comme le demandait hier un noble Américain, par une grande voie triomphale et douloureuse allant de Belgique en France. Elles ne seront pas moins angoissantes quand il s’agira, non plus du sort de nos grands sanctuaires, mais de ces centaines d’églises de campagne, témoins et ouvrières, dans ces régions consacrées, de la naissance, de l’élaboration et de l’éclosion charmante de l’art que la France allait donner au monde. Nous en avons indiqué ici même (1er août 1916) l’importance et l’intérêt… Que de sacrifices il nous faudra consentir sans doute ! Que de pertes irréparables ! Devra-t-on relever le clocher de Tracy-le-Val, par exemple, dont les débris jonchent le sol ? C’était, au cœur de la vallée de l’Oise, au berceau de l’architecture française, pour la justesse des proportions, le sentiment délicat de l’échelle, la gradation exquise du rythme ascensionnel encore timide, mais si finement conduit, un de ses premiers chefs-d’œuvre. Les anges, de sculpture rude encore, qui déployaient leurs ailes entre les deux étages au point où s’opérait si ingénieusement la transition de l’octogone au carré, étaient les humbles précurseurs de la divine cohorte qui, en dépit de ses pertes, de ses morts et de ses blessés, monte toujours la garde et fait cortège à la Vierge autour de Notre-Dame de Reims… Tracy-le-Val n’existe plus. Aucun pastiche ne nous rendrait le charme, la saveur, la présence réelle du génie créateur qui s’évapore dans les copies les plus fidèles. C’est ici que la génération qui va nous remplacer, — et qui, ayant mis à profit les expériences et les épreuves qui auront été notre effroyable lot, saura peut-être y trouver des inspirations nouvelles, plus hautes, plus simples, plus purement françaises que tous les essais antérieurs d’art moderne, — aura de belles occasions d’écrire à son tour un