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farine moins blanche que les blés ronds à enveloppe mince (comme ceux qui viennent d’Australie et des Indes), blutés même à 85 p. 100. Les provinces, comme le Bordelais, qui avaient reçu des blés de cette dernière catégorie ont donc eu du pain très supérieur à celles qui avaient reçu du blé de la première, précisément parce que le blutage était le même. En effet, il n’est aujourd’hui contesté par personne que, plus le pain contient de son, plus il prend facilement un goût acide et désagréable, que cette acidité soit d’ailleurs produite par les impuretés que porte la surface extérieure du grain, par les fermens diastasiques que contiennent les cellules à aleurone de l’enveloppe, ou par les deux causes à la fois.

Il y a une autre raison encore à cette variabilité du pain : un grand nombre des blés fournis aux meuniers contenaient, au moment de la soudure, des corps étrangers (en particulier des graines variées, ivraie, nielle, etc.) Or, ces graines étrangères sont à peu près totalement éliminées dans les opérations de la meunerie. Il n’en reste pas moins que, si on oblige un meunier à extraire 85 kilogs de farine de 100 kilogs de blé contenant, par exemple, 12 pour 100 d’impuretés, il sera obligé d’ajouter une quantité accrue de sons, sous peine d’enfreindre le décret ministériel, et il blutera en réalité à 97 pour 100. Le pain obtenu ainsi contiendra donc beaucoup trop de substances indigestes et génératrices d’acidité.

Or, tel a été précisément le cas d’une partie des farines fournies pendant plusieurs semaines à la région parisienne.

Ainsi on est amené logiquement à cette conclusion à laquelle, tout récemment, à la Chambre, s’est rallié M. Long, le nouveau ministre du ravitaillement : que l’uniformité du taux du blutage est une erreur et qu’il faut, si l’on veut fournir au pays un pain de qualité uniforme et contenant la même proportion de son, établir au contraire des blutages variables, selon la qualité des blés fournis à la meunerie. Il doit être entendu d’ailleurs que ces blés doivent être nettoyés, propres, exempts de tous corps étrangers, les seuls qui puissent être additionnés à la farine étant éventuellement les succédanés acceptables du blé, comme le maïs et le riz, dont la production et le transport rencontrent d’ailleurs les mêmes difficultés que ceux du froment.

Enfin, je ne saurais passer sous silence une troisième cause de la variabilité constatée de la qualité du pain : quelques boulangers, heureusement très rares, ont tamisé les farines qui leur étaient fournies et obtenu ainsi, d’une part, de la farine plus blanche destinée à des