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invités à suivre des conférences bouddhiques qui les instruiront de leurs devoirs professionnels. Mais la faveur du gouvernement ne s’étend pas plus loin ; et le bouddhisme est exclu des cérémonies nationales ou n’y paraît qu’à titre privé. Et, comme toutes ses tentatives de rajeunissement sont opposées à l’esprit qui l’a toujours animé, elles restent superficielles et à peu près inefficaces. Ses crises périodiques d’illuminisme n’ont d’autre effet que de mettre en marche des milliers et des milliers et encore des milliers de pèlerins. On lit dans les journaux que les battemens de mains ont crépité comme des feux d’artifice et que les offrandes ont résonné comme de la grêle. Mais il n’en retire aucune autorité sociale, et chacune de ses sectes peut chanter ces vers d’un vieux poème lyrique : Le Bouddha du passé nous a quittés depuis longtemps ; le Bouddha à venir n’a pas encore paru.

Quant au shintoïsme, qui, dans ses petits temples primitifs et vides, divinise les ancêtres et l’Empereur, la religion bouddhique avait volé ce pauvre en lui dérobant son culte des morts et quelques-uns de ses héros les plus renommés, et elle l’avait réduit pendant des siècles au plus complet dénuement. Il couchait sur la paille avec ses emblèmes sacrés et ses myriades de dieux. La Restauration impériale aurait dû le relever. Mais le gouvernement, qui garantissait la liberté religieuse, commença par supprimer le « Ministère des Dieux » et déclara qu’il ne reconnaissait aucune religion particulière. Il retint seulement du shintoïsme son enseignement patriotique, c’est-à-dire la soumission aux volontés de l’Empereur, descendant du Soleil. Les prêtres shintoïstes en furent officiellement chargés. Mais, en 1884, il abolit ces fonctions, et le Kannushi ne fut plus qu’un préposé à des cérémonies purement civiles.

On en était là lorsqu’une réaction naturelle se produisit contre les modes de l’Europe et que le Japon, plus conscient de sa force, s’affranchit d’une admiration qui allait lui peser comme une servitude. Mais les idées qu’il nous avait empruntées n’en continuaient pas moins d’agir en lui, et, entre autres, la notion, toute nouvelle en Extrême-Orient, d’une morale imposée par des dogmes précis. Le gouvernement en sentit le besoin, et, dans ces quinze dernières années, il a presque réalisé le chef-d’œuvre d’organiser une religion nationale.

Un de mes premiers étonnemens fut d’entendre parler