Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/522

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perpétue par des générations nouvelles qui sont de leur temps. Elle a de jeunes couples que déçoit la monotonie des mœurs traditionnelles et qui s’évadent doucement des demeures ancestrales pour rejoindre la vie. Sous le titre commun de catholiques, la noblesse a deux sortes de pratiquans : ceux de l’étroite et ceux de la large observance. Pour les uns, la foi est assez profonde pour qu’ils vivent et se meuvent en elle comme en une atmosphère ; leur fidélité à Dieu se répand dans leur attachement à tous leurs devoirs ; la différence de leurs destinées s’efface dans la similitude de leur discipline morale, et la paix de leur âme. Les autres, qu’on a peine à suivre de plaisirs en plaisirs, et dont la fièvre trépidante court au bonheur par l’instabilité, conservent dans cette instabilité la tradition des gestes chrétiens. Ils cèdent le pas au prêtre, font maigre sans difficulté, et le dimanche ne manquent point volontiers la messe où ils sont vus de leurs amis et les voient. Mais il leur suffit de ne pas rompre avec Dieu ; ils s’en tiennent avec lui à ces visites, et permettent aux vanités mondaines d’envahir le bref instant où ils sont en face de l’infini. Villégiatures, voyages, théâtres, chasses, raffinemens et luxes ne respectent ni cette économie des dépenses, ni ce repos du corps, ni cette retraite de l’âme, qui sont nécessaires à la fondation des familles. Et la fécondité des foyers est en rapport avec l’énergie de la foi. Ceux qui se laissent gagner le plus au désir de « vivre leur vie » sont ceux qui la transmettent le moins. Ceux qui ont fait en eux assez de silence pour entendre la voix intérieure et lui obéir quand elle leur ordonne de diminuer autour d’eux, par leurs largesses d’argent, de conseils et de bienveillance, la misère et l’abandon et de s’enrichir eux-mêmes par leurs économies de médisance, de paresse et d’injustice, ne marchandent pas davantage à Dieu l’accroissement de leur famille.

C’est d’ailleurs dans la noblesse que la fécondité, même où elle a fléchi, se rétablira le plus aisément. Pour les moins pieux, le catholicisme est un ami négligé, non un adversaire, et l’intelligence historique des intérêts généraux prépare cette classe à consentir les réformes nécessaires à la nation. Mais cette classe, fût-ce par un effort unanime, fournirait à la natalité le plus faible contingent. A la fin de l’ancien Régime, elle ne dépassait guère 400 000 personnes. Depuis, une partie de ses plus anciennes familles se sont éteintes ; et tout