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attira ces familles les unes vers les autres ? Surtout celle du sentiment chrétien qui leur avait appris à comprendre la vie et la conduire. Avec chaque fil de même fin de même quenouille s’est tissée l’étoffe belle et inusable. Quels avantages de concours, d’aide, d’affection cette communauté sans cesse plus étendue assure à chacun de ses membres, leur vie le raconte ; Combien cette abondance est précieuse à l’Etat, la guerre actuelle l’a montré : les cinquante petits-fils d’Henri et d’Alexandre Bergasse ont fourni à la France, outre les soldats, seize officiers dont deux généraux, et sur lesquels dix ont été tués à l’ennemi. Il suffit de nommer à côté des Bergasse, les Roux, les Estrangin, les Gravier, les Bernier de Vauplane, et bien d’autres. Ce n’est pas la rareté, c’est l’abondance de ces familles modèles qui oblige à borner la louange.

Lyon plus encore que Marseille abonde en foyers exemplaires. Les Aynard et les Isaac sont de l’honneur français : Edouard Aynard avait douze enfants, M. Auguste Isaac onze. Ne sont-ils pas de l’honneur lyonnais, les Longueville avec leurs quinze enfans, six au front et déjà tombés ; les Emile Sabran et leurs quatorze fils ou filles en qui se continue la tradition ; les Lionel Payen avec leurs neuf enfans de la première génération, leurs trente-neuf de la seconde et leurs quatre-vingt-huit de la troisième ? Cette bourgeoisie lyonnaise a trouvé son image collective, sa Chambre de commerce, lorsque, sous la présidence d’Edouard Aynard, le bureau de cette Chambre comptait cinq membres, élus pour leur supériorité professionnelle et à eux cinq, pères de quarante-deux enfans. M. Auguste Isaac, bon juge des vertus qu’il pratique, les salue dans « la plupart des familles qui ont tenu une place honorable dans les affaires pendant la seconde moitié du XIXe siècle. » Et il ajoute : « Si l’on réfléchit tant soit peu aux causes qui ont favorisé la naissance de ces nombreux enfans, on est obligé de reconnaître que le sentiment du devoir religieux y apparaît au premier rang[1]. »

Plus encore que dans ces deux centres, une fécondité de richesse et de vie s’accumule dans le Nord de la France. Là l’agriculture et l’industrie se pénètrent et s’unissent. Là les populations rurales, à force de s’étendre, ont fini par devenir

  1. Auguste Isaac, Notes manuscrites.