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Flottait à l’aigre vent, et de ses mains, penchées,
De sombres fleurs montraient, fraîchement arrachées,
Leur racine emmêlée en secrets souterrains.
Et sa robe était blanche et son front souverain.
Or, il venait vers moi, marchant sur la prairie,
Et sa voix dans l’azur semblait voler : « Marie,
Dit-il, — et son regard aussi doux qu’un pardon
Me contemplait : — Marie, au seuil de la maison,
Humble, douce, si simple et rêveusement tendre,
Priant sans t’en douter, tu ne savais m’attendre,
Mais c’est moi que cherchait, et la nuit et le jour,
Ton cher cœur ignorant et tout rempli d’amour.
C’est pourquoi j’ai voulu, servante parfumée
De la terre que j’ai jusqu’à la mort aimée,
Avant de retourner tout au fond bleu du ciel,
T’apporter en passant un sourire éternel.
N’aie pas peur… Continue, ô douce femme, à vivre
Comme jadis. Il ne faut pas encor me suivre.
Mais souviens-toi de moi ; plus tard tu me viendras,
Et m’ayant déjà vu, tu me reconnaîtras. »

Alors il s’en alla retrouver la poussière
Du chemin qu’à présent blanchissait la lumière
Et moi, le cœur rempli d’un effroi radieux
Je reculais, avec mes deux mains sur les yeux…


LES LYS


Un pétale est tombé comme l’aile d’un ange…
C’est qu’un bouquet de lis s’effeuille en l’ombre étrange
Où tout semble rempli d’un deuil qu’on ne sait pas.
Que dois-tu donc pleurer, en silence, tout bas,
Dis ? ou de quelle horreur pressens-tu le prélude ?
Le savez-vous, lis blancs et verts, lis des Bermudas,
Lis royaux, qui venez, de si loin pour la voir
Rêver sinistrement aux approches du soir ?
Un long pétale blanc, comme une larme nue
Coule encor. Le parfum s’exalta et s’exténue ;
Quelque chose de pur, ici défaille et meurt…
Est-ce ton âme, ô femme ? est-ce ton rêve, ô fleur ?