Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 42.djvu/602

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’où l’on conclurait facilement que toute la contrée désire l’écrasement de la France :


Ils ne l’auront pas, le libre Rhin allemand ! Levez-vous, habitans de la côte où l’on pêche l’ambre, vous, braves Prussiens de l’Est qui en 1813 avez ouvert la lutte pour la liberté ! Levez-vous, Silésiens qui avez rougi de sang français la Katzbach ! Levez-vous, Hanovriens, qui, couverts (Se gloire, avez combattu le despote en Espagne !… Debout, tout ce qui est allemand ! Au Rhin, au Rhin sacré, et, si c’est possible, avec les ailes de l’ouragan ! Ici nous faisons ce que nous pouvons ! Riches et pauvres, vieillards et jeunes gens, accourez vers les étendards ! Que les classes supérieures des gymnases soient licenciées, puisque les enfans eux-mêmes tremblent de colère et brûlent de venger l’honneur de leur roi et du nom allemand !… C’est une croisade, c’est une guerre sainte !


Mais ces lignes paraissent dans la Gazette de Cologne, qui depuis vingt ans soutient la politique berlinoise et mène une campagne francophobe. En outre, l’auteur de l’article est Heinrich Kruse, un immigré, un Prussien de Stralsund qui depuis 1847 est venu se fixer dans la grande ville rhénane. Le document n’a donc aucune signification.

Les plumes allemandes sont très sobres de détails sur l’attitude des populations rhénanes lors de la déclaration de guerre. On peut supposer que dans les grandes villes, où les immigrés étaient en nombre, ceux-ci l’ont accueillie par des démonstrations frénétiques. On peut supposer encore que les élémens ralliés à la Prusse, quoique avec plus de tiédeur, ont pris part à ces mouvemens. Mais il semble bien que la grande masse des habitans se soit cantonnée dans une réserve muette.) On ne mentionne pas qu’il y ait eu, comme en 1866, des refus d’obéissance, ni que les réservistes aient tenté d’empêcher la mobilisation : et en effet, les événemens avaient prouvé que l’insubordination n’avait aucune chance de succès. L’attitude générale avait donc été recueillie et grave, dans l’attente d’une délivrance prochaine, sous l’œil soupçonneux de maîtres qui se sentaient menacés par une offensive française, mais, qu’il était inutile d’exaspérer.

Car il est certain que les Prussiens, à la mi-juillet, n’étaient pas sûrs de la victoire. Sous les réticences de Kentenich, le dernier historien de Trêves, on peut deviner qu’ils avaient tout