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entente sur le terrain anticlérical. Henckel de Donnersmarck fît savoir qu’il ne lui serait pas impossible d’amener Gambetta à Varzin. C’est en avril 1878 que l’homme qui avait été pendant la guerre l’âme de la Défense nationale se vit offrir cette entrevue. Il accepta le 23, puis, au dernier moment, il recula et ne partit pas.

Mais l’impulsion était donnée. A partir de ce moment, la République s’engagea de plus en plus dans les voies de l’anticléricalisme : le fameux article 7 et les décrets de 1880 sont présens à toutes les mémoires. Il n’est pas niable que la France, dans cette période qui suivit le traité de Francfort, ne se soit trouvée aux prises avec d’énormes difficultés. Pourtant, quels qu’aient été les dangers auxquels elle était exposée du dehors, il est certain qu’elle a délibérément sacrifié les intérêts de sa politique extérieure à ceux de sa politique intérieure, abandonnant ainsi les restes d’une clientèle nombreuse, qui avait mis en elle son dernier espoir, et que sa défection déçut cruellement.

On a dit que le chancelier était sorti du Kulturkampf est vaincu. Oui, sur le terrain religieux : mais c’est là sans doute qu’une défaite lui importait peu. Sa grande victoire, il l’obtenait dans le domaine politique : c’était la seule qu’il eût désirée passionnément. Sans canons, ni fusils, ni baïonnettes, il venait d’ajouter à Sedan un complément très appréciable, en brisant l’offensive des particularismes allemands et la résistance rhénane : le temps ferait le reste. En 1880, Gambetta pouvait bien de nouveau se montrer inconciliable et parler de la « justice immanente. » Ce n’étaient plus là que des déclamations sans danger, puisque la France avait renoncé aux alliances qu’elle possédait à l’intérieur de l’Empire. La première collaboration du Centre avec Bismarck date de 1879 ; l’entente s’accentua de jour en jour, tandis que le pape cédait aux avances que Berlin lui prodiguait. Il reste à savoir pour quelles raisons la rive gauche du Rhin se laissa peu à peu conquérir par la Prusse et l’Allemagne impériale, à dire ce qui restait du prestige de la France, au début de la présente guerre, chez des populations dont l’âme même nous avait appartenu.