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désir de savoir et de voir, cette curiosité scientifique qui console de tout ceux qu’elle enflamme, et qui, à cet instant suprême, se fixait sur un grandiose phénomène physiologique : la lutte tragique, sur la face crispée de la vieille Gœa, des forces inhibitrices et des puissances de libre épanouissement.

A côté de cette œuvre scientifique toute bourrée de découvertes importantes et qui restera comme une élégante et solide pierre d’angle dans l’édifice éternellement inachevé, mais éternellement grandissant de la science, Dastre avait cherché et trouvé d’autres manières d’être utile.

Je n’en veux citer qu’une entre beaucoup d’autres : son œuvre d’écrivain et de vulgarisateur. Il n’était point de ces hommes de science, — je ne dis pas de ces « savans, » car il est des mots à ne point prodiguer, — qui croiraient déroger en jetant, de leur tour d’ivoire, un regard sur la foule et qui cachent dans un cercle ésotérique leur spécialisation étroite ; si bien que celle-ci fait songer aux œillères qui, dans le labour, masque au bœuf tout ce qui n’est pas son sillon.

Dastre aimait les idées générales ; il savait que la science est un tout, et qu’on ne connaît point un palais si on ne sort jamais de la mansarde qu’on y habite. Et puis il aimait la vie non seulement en physiologiste, mais en homme ; c’est pourquoi il s’entourait de tant d’élèves venus de tous les points du globe et au milieu desquels il aimait à s’asseoir parfois, cédant sa chaire à l’un d’eux pour qu’il exposât ses plus récentes recherches. C’est pourquoi aussi il se donnait encore dans ses livres, dans ses articles de la Revue des Deux Mondes, à des milliers d’autres disciples inconnus, mais chers, et qui communiaient avec lui dans l’amour religieux de la vérité scientifique et de la beauté qu’elle répand sur les choses.

Comme d’Alembert, comme Fontenelle, comme Arago et Claude Bernard, comme Henri Poincaré, il a cru non méprisable mais noble, non inutile mais précieux, de quitter parfois son laboratoire pour enseigner la foule et lui parler silencieusement, avec sa plume, des merveilles que la philosophie naturelle entasse sous les yeux de ceux qui savent regarder.

Les articles qu’il a donnés à cette Revue, pendant plus de trente ans, et qui touchent à tous les aspects, à la plupart des problèmes de la science, sont des modèles de lucidité française, de composition bien ordonnée, d’humour, de langue nette et