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médecin de campagne et flambant d’amour pour une jeune châtelaine, vous l’avez nommé : c’est le jeune homme pauvre et c’est le beau ténébreux. Entre Marthe et lui éclate une scène de dépit amoureux, une grande scène, une scène à retournement et à rebondissement, la scène qui termine « le deux. » Des bruits fâcheux ont couru sur ce fils Marinois : on raconte qu’il est embusqué, et Marthe l’a cru comme elle l’entendait raconter. Elle l’a cru, elle a pu le croire, et lui, le fils Marinois, pendant ce temps-là, se courrait de gloire et collectionnait les citations ! Il les a sur lui, ces citations, il les porte dans la poche de sa vareuse, il les fait lire à Marthe. La preuve est indéniable : le fils Marinois volait au danger ; seulement il faisait circuler le bruit qu’il était à l’arrière, afin de ne pas inquiéter Mme Marinois, la mère, qui a une maladie de cœur. C’était pour sa mère ! « Premier prix de bon fils ! » comme disait Croizette, dans Jean de Thommeray. Marthe, désabusée, ravie, se jette au cou du héros, dans un élan d’enthousiasme et d’amour. Mais lui, la repousse, s’étant avisé que ce baiser de femme irait non à l’homme, mais au soldat : et pour cela, il n’a pas besoin de Marthe, il a son général !… À condition qu’on ne nous le donne pas pour cornélien, le mot est excellent.

Donc, au troisième acte, Marthe aie choix entre trois partis. Comme le personnage antique, elle est à l’embranchement de trois routes. Prendra-t-elle la route Michelot ? Mais quoi ! Ce riche est un nouveau riche. Marthe rejette avec horreur celui qui, de cette guerre, source de tant de larmes, a fait jaillir un Pactole. La solution Michelot signifiait : l’argent. Elle est écartée. Vrécourt, qui parle au nom du plaisir, aura-t-il plus de succès ? C’est lui-même qui s’élimine, à la suite d’une conversation avec le jeune Marinois, et, comme jadis Polyeucte résignait Pauline entre les mains de Sévère, conseille à Marthe d’épouser un jeune homme animé de si beaux sentimens. En effet à la théorie de la vie facile et du plaisir léger, tel que le conçoit l’incorrigible Vrécourt, le fils Marinois oppose celle de l’amour austère, le seul qui se pratique en France depuis la guerre, le seul qu’admettent les poilus. C’est ici le contraste de deux générations. Celle d’hier ne songeait qu’à s’amuser. Heureusement, une autre génération va revenir des tranchées : ce qui la caractérise, c’est qu’elle a le respect de l’amour, un amour grave, pur, fidèle, etc. Allons, tant mieux ! tant mieux !

Le public a applaudi du meilleur cœur à ces déclarations d’un si moral optimisme, sans toutefois paraître très convaincu. Je crois, pour ma part, et en dépit de certaines apparences, que c’est M. de