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À l’assemblée des Notables, Louis-Philippe-Joseph n’avait pas manqué de protester contre les édits bursaux, au Parlement, de s’élever contre l’exil des conseillers Sabatier et Freteau. Il fut exilé lui-même : exilé en son château de Villers-Cotterets. Doux exil ! Paris n’était pas si loin qu’une chaise bien attelée ne pût en quelques heures amener deux ou trois philosophes, et Mme de Genlis.

De ce château partent de grandes allées vertes, entre de hautes futaies de hêtres ; plus loin, on découvre les débuchés de Pierrefonds, puis les monts de Compiègne et les détours de la belle rivière d’Oise entre cette ville et Ourscamp, pays merveilleux, au cœur de la vieille France, peuplé de grands animaux et presque toujours résonnant de la voix des chiens de meute et des trompes.

La chasse a ses modes et ses usages et la mode anglaise avait séduit Louis-Philippe-Joseph.

Comparez d’après les peintures d’Oudry, à Fontainebleau, les chasses de Louis XV, au tableau de Carie Vernet que possède le Palais-Bourbon : Chartres, Valois et son tout jeune fils attendent l’attaque, près d’une enceinte ; les selles, les brides, la tenue des veneurs et leur habit rouge sont ce que l’on a maintenant l’habitude de voir. Le grand cheval gris et l’alezan sont de ceux qu’on aimerait monter aujourd’hui : le tout bien différent du luxe des anciens équipages. Chassera courre, sans perruque, sans bottes à chaudron, marquait, un dédain des vieux usages.

Pendant le triste séjour de Malte où son dernier frère vient de mourir, les souvenirs de Louis-Philippe exilé et proscrit le reportaient sans doute beaucoup moins vers Villers-Cotterels, le Raincy, le Palais-Royal, splendides demeures de sa famille, que vers Bellechasse. Bellechasse : ce nom revient sans cesse dans les lettres des jeunes princes, colonels, capitaines de quinze ou seize ans, à peine échappés du nid. C’était leur domaine propre, disposé par leur père pour leur éducation, un petit paradis créé pour eux et où ils étaient chez eux. Il est de vieux parcs ou même de modestes petits jardins, embellis, agrandis par notre imagination d’enfans, où la vue d’une rose de Noël, d’un tournesol, ou bien le sifflet d’un merle ont été pour nous des sensations nouvelles ; là, des joies ont été goûtées entre nous et nos frères, en une foule de petites occasions