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Dubuisson. Ils s’installent bruyamment ; ils rédigent un procès-verbal qui paraîtra dans le Moniteur du 3 avril 1793, où ils déclarent avoir fait comparaître le général, ce qui est inexact. Il paraît que les malheureux furent guillotinés plus tard, comme complices !

Un soir, — c’était le 22 mars, — dans le « grand bâtiment de Sainte-Gertrude de Louvain, » le général Dumouriez s’enferme avec le Duc de Chartres. Il n’oublie pas, dit-il au Prince, un entretien que tous deux ont eu précédemment à Anvers. Louis-Philippe, attaché à la ligne de conduite qu’il s’est tracée, l’avait ce jour-là signifiée à son chef. « Laissez-moi tout entier à mon devoir militaire, avait-il dit, et ne me demandez jamais aucune coopération politique. » Entre eux, cette convention avait été jurée, Dumouriez ne l’oublie pas ; il veut cependant que le Prince sache tout ce qui se passe. Déjà la situation militaire lui est connue : la France est en guerre avec toute l’Europe, sauf quelques pays assez vaguement neutres, la Suède, le Danemark et, Dieu merci, la Suisse, « car elle couvre nos régions les plus vulnérables ; » puis les républiques aristocratiques de Gênes et de Venise. Un assaut général se prépare. Quand l’Angleterre s’en mêlera, la guerre deviendra « en quelque sorte circulaire, » cette puissance pouvant faire débarquer des forces sur celle de nos côtes qu’elle choisira.

Ce n’est pas tout. La guerre civile commence ; la Vendée se soulève. Que peut opposer la Convention ? Quelques troupes mal entretenues, indisciplinées, découragées par de récens échecs comme celui de Neerwinden. À défaut de troupes, elle lance d’horribles menaces sanguinaires, comme en contient le récent projet de Cambacérès, dignes des gens que l’on appelle déjà « les buveurs de sang. »

La nuit s’avance. Représentons-nous deux hommes assis auprès d’une table ; deux visages éclairés par une chandelle dans un coin de la grande salle obscure et silencieuse de Sainte-Gertrude de Louvain.

« Que faire ? continue le général. Il faut pourtant sauver la France. Les Vendéens sont trop purement religieux et royalistes : ils n’entraîneront pas le reste du pays. Mais on peut s’entendre avec leurs chefs. Je les connais. J’ai commandé à Niort en 1790, et j’ai eu avec eux des entretiens. Gensonné, le Girondin en avait eu aussi. Ils tiennent avant tout au Roi,