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groupes se forment ; quelques meneurs royalistes essayent de haranguer la foule ; mais rien de sérieux ne se produit. Un communiqué officiel de M. Zaïmis contribue beaucoup à calmer les esprits. Le Haut Commissaire, debout toute la nuit, se fait rendre compte, heure par heure, de la situation, prêt à parer à toutes les éventualités.

Le lendemain, lundi 10 juin, est la grande journée, la journée historique. M. Jonnart, en ce qui concerne notre action militaire, a reçu dès le matin d’excellentes nouvelles. La progression de nos troupes se poursuit en Thessalie sans le moindre incident. Le colonel Boblet, chargé d’occuper l’isthme de Corinthe, a procédé sans coup férir à cette occupation. Nos soldats ont débarqué ; ils se sont installés dans l’isthme sans rencontrer aucune résistance de la part des Grecs (IVe corps), qui avaient d’ailleurs reçu de leur gouvernement des ordres en conséquence.

Dans la nuit, de nouveaux télégrammes sont parvenus à M. Jonnart. Le débarquement de nos troupes au Pirée étant de nature à provoquer un vif mécontentement chez l’un de nos plus puissans alliés, on lui demande formellement d’y renoncer. Si les circonstances l’exigent impérieusement, le débarquement pourrait s’opérer à Eleusis. Le Haut Commissaire, avec l’amiral de Gueydon et le général Regnault, se livre à un examen minutieux de cette solution. Tous trois s’accordent pour lui reconnaître les plus graves inconvéniens : une baie peu profonde qui se prête mal au débarquement ; insuffisance du matériel pour la mise à terre des troupes ; région malsaine et sans eau ; la distance d’Eleusis à la capitale étant de vingt kilomètres, les troupes seraient dans l’impossibilité d’agir immédiatement ; elles auraient de plus à franchir le défilé de Daphné où l’état-major hellénique pourrait, avec quelques mitrailleuses, retarder singulièrement la marche de nos troupes… Ces raisons sont convaincantes. Le projet est donc écarté. Entre deux maux M. Jonnart choisit le moindre : il préfère maintenir provisoirement les troupes à bord : ainsi, on ne pourra pas l’accuser d’avoir exercé une pression militaire trop directe sur le roi Constantin.

A neuf heures et demie du matin, a lieu l’entrevue avec M. Zaïmis. Le Haut Commissaire remet au Président du Conseil hellénique la note suivante exigeant l’abdication et le départ du Roi :