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concours de bonnes intentions. Mais le loisir a manqué pour transformer en votes les désirs qui se déclaraient urgens. Ils n’ont qu’une valeur d’indices, comme ces faibles gestes qui précèdent le réveil. Le réveil est encore à venir. Et si quatre ans de guerre n’ont pas obtenu une mesure efficace on faveur de la famille, qu’espérer de la paix ?

Un peu de philosophie eût révélé à ces législateurs pourquoi leur méthode était vaine. Plus ils comptent sur l’intérêt, moins ils sont excusables de n’avoir pas prévu l’inefficacité de leurs offres. Les époux formés à l’école positive, et par elle instruits à restreindre le foyer comme on se retire d’une mauvaise affaire, doivent examiner tout marché relatif à ce foyer avec l’esprit qu’on leur a fait. Ils calculeront ce qu’ajoute à leur avoir la création d’enfans. Parmi les projets présentés pour soutenir d’une aide pécuniaire la famille, un seul est devenu loi, la loi du 14 juillet 1913. Elle assure au père pour les enfans qui suivent le troisième, de 60 à 90 francs par enfant de moins de treize ans. C’est pour le père de cinq enfans de 120 à 180 francs par an, et, s’il est veuf, de 180 à 280 ; pour la mère, si elle est veuve, de 270 à 360 francs. Or des subsides qui commencent seulement à la venue du quatrième enfant et qui disparaissent dès sa treizième année, au moment où la dépense de son entretien augmente, ne détermineront pas les époux avares de leur argent ou de leur peine à accroître leur famille. Le secours de l’Etat, selon le projet le plus large qui ait été présenté au Parlement[1], serait de 2 000 francs au père de quatre enfans lorsque le plus jeune de ceux-ci atteindrait sa quinzième année. Suivons dans l’esprit calculateur des époux les impressions produites par cette offre. Près de la moitié des nouveau-nés meurent dès leurs premières années : il faudrait que les époux missent au monde plus de quatre enfans pour acquérir des chances à la prime ; les dépenses faites pour les disparus ne donneraient droit à aucune indemnité et diminueraient d’autant le bénéfice de l’opération. 2 000 francs partagés en quatre font 500 francs par enfant : 500 francs paieront-ils quinze ans et plus de dépenses ? Quand il s’agit de la famille, ce n’est pas seulement la dépense qu’il faut porter en compte, c’est l’esclavage continu, c’est la certitude de sollicitudes successives

  1. Le projet de M. Bénazet, député.