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nombreux enfans. Or il y a six millions et demi de familles. Si le père obtient un double vote, les pères de famille auront treize millions de suffrages ; les célibataires et les pères stériles ne comptant que pour huit millions, la prépondérance familiale serait établie. Elle aurait plus d’apparence, peut-être, que de réalité : les pères de deux enfans peuvent être suspectés d’hésitation entre l’intérêt individuel et l’intérêt familial, et les pères d’un seul enfant suspectés de préférence pour l’intérêt individuel. C’est au troisième enfant que les époux commencent à accroître la population et ont pris parti pour le devoir social. Si ces derniers obtiennent plus de deux voix, elles seront fidèles à l’intérêt de la famille ; plus fidèles encore celles des pères qui lui auront donné plus de gages et de sacrifices. Si en France le père disposait d’autant de suffrages qu’il représente d’enfans vivans, la famille serait sauve dans ses membres comme dans son chef.

Ceux qui préfèrent au salut la mort selon les phrases refusent de porter atteinte à l’égalité politique entre les citoyens. L’égalité de la valeur civique existe-t-elle donc entre l’homme qui refuse à l’Etat les travailleurs ou les soldats, s’enrichit des sommes qu’ils auraient coûtées, ne sert que lui-même, et l’homme qui, ne songeant pas à soi, s’appauvrit à l’avantage de la nation ? Et si le service rendu à l’Etat par les uns et par les autres est inégal, pourquoi leur autorité dans l’Etat serait-elle égale ? La justice n’a-t-elle pas aussi sa formule : « A chacun selon ses œuvres, » et l’intérêt public n’exige-t-il pas, quand le grand mal est l’affaiblissement de la famille, qu’un surplus de puissance revienne à la famille dans la personne de ses défenseurs ? Si rendre au père sous une forme nouvelle l’ancienne autorité est une nouveauté, innovons. L’audace française, que le goût de donner l’exemple excite d’ordinaire, reculerait-elle devant le prétexte que le droit commun des peuples n’a pas encore sanctionné cette mesure ? Tant mieux si, en la prenant les premiers, nous regagnons un peu de l’avance que nous leur avons laissé prendre sur nous. Il ne s’agit pas de subtiliser sur ce que nous devons à l’opinion des autres, ou à nos modes d’hier ; il s’agit de savoir ce que nous devons à notre salut. Notre mal permet-il ce salut à prix réduit et avec des ménagemens pour les fautes dont nous mourons chaque jour ? Le meilleur régime est le plus contraire