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Longtemps on n’a pas su ce qu’était cette mystérieuse fièvre typhoïde (de τυφος (tuphos) = stupeur) dont les symptômes sont bien connus et se caractérisent par une fièvre qui monte lentement, puis redescend (en cas de guérison) suivant un rythme invariable, par de la prostration, par des éruptions cutanées et par divers troubles intestinaux, qu’accompagnent anatomiquement, comme on l’a établi sous l’influence des directives géniales de Laënnec, des lésions spéciales des follicules de l’intestin. Mais les causes mêmes de la typhoïde et de sa transmissibilité ne furent établies que dans la période pastorienne. On découvrit alors que cette maladie est une infection due à la pullulation dans le sang d’un microorganisme pathogène, le bacille d’Éberth.

C’est l’isolement et la culture de ce microbe spécifique qui a été l’origine de tous les progrès réalisés dans le traitement, ou plus exactement dans la prophylaxie de la fièvre typhoïde. Il convient en effet de remarquer qu’aujourd’hui on ne guérit guère plus facilement cette maladie qu’il y a cinquante ans ; les essais de vaccinothérapie qui ont été tentés à son sujet n’ont pas donné de résultats nets, et finalement on n’a encore rien réalisé de mieux pour sa médication que la balnéation et les ablutions déjà usitées au bon vieux temps.

Mais si on ne sait pas mieux que jadis guérir la typhoïde, en revanche, on sait l’empêcher d’éclater, on sait immuniser contre elle. Gouverner, c’est prévoir, ont accoutumé de dire ceux qui, du rivage, projettent avec tranquillité leur critique sur les hommes qui sont ballottés dans le frêle esquif du pouvoir. Ce mot est peut-être encore plus vrai de ceux qui ont la charge de nos santés. Dans l’avenir, quand la médecine sera devenue un art, ou plutôt une science véritable et aura cessé d’être une « pauvre petite science conjecturale, » on dira : être médecin ce n’est pas guérir, c’est prévoir, c’est donc prévenir. Seulement, cette prévision et les précautions qu’elle entraîne, comme les médecins éprouvent toujours, en dépit de Molière, le besoin de se singulariser, ils l’ont appelée baroquement prophylaxie.

Donc, puisqu’il faut l’appeler par son nom, la prophylaxie sera l’alpha et l’oméga de la médecine future. Et comme les maladies infectieuses sont d’origine microbienne, c’est en immunisant les sujets contre elles qu’il convient d’agir. Le conseil du sage antique : Si vis pacem, para bellum, n’est pas moins vrai dans la lutte contre les microbes, que de la guerre contre les primates pathogènes.

Pour préparer l’organisme humain à se défendre en cas d’irruption infectieuse, on n’a rien trouvé de mieux que de le soumettre