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érigeons pas en juges des sentimens que nous essayons de pénétrer et d’exprimer. Mais sachons comprendre, s’il rejetait la faute sur le régime de 1793, quelle horreur ce régime a dû lui inspirer !

Il est demeuré attaché à la politique libérale, et plus tard, il voudra la faire connaître au pays. Mais il a couru au plus pressé, à la lutte contre l’étranger, sûr, quand il se bat à la frontière, de ne pas commettre d’erreur politique. Cette ressource lui manque après la mort du Roi, après le crime paternel, devant les dangers qui menaçaient une sœur confiée à ses soins ; et la proscription s’abat sur lui. Il ne trahit personne, mais il jette ses armes, contraint par le sort ; vaincu, fugitif, mais non émigré. Depuis lors, il a parcouru l’ancien et le nouveau monde.

Et, maintenant, à quel parti va-t-il se résoudre ? Que va-t-il faire de son existence solitaire ? Il ne veut pas demander un refuge aux nations qui étaient hier et, selon toute apparence, seront demain encore en guerre avec la France. Les armées françaises occupent les deux tiers de l’Europe civilisée, de laquelle la Russie, de longtemps, ne pourra être censée faire partie. Que sont devenues les couronnes de la Maison de Bourbon ?

Aux Tuileries, règne un nouveau maître. De nouveaux princes habitent les palais que le Duc d’Orléans a connus, chassent le cerf dans les mêmes forêts, suivis souvent des mêmes courtisans. On n’est bien servi que par ces gens-là, disait l’Empereur ; et il rappelait des émigrés pour en faire des chambellans, laissant aux régicides les préfectures. Mme de Genlis a quitté la princesse Adélaïde, réfugiée en Espagne avec sa mère. Elle est admise à la Cour impériale et reçoit une pension de Napoléon. Elle entretient une correspondance avec le nouveau maître. Toute l’ancienne apparence a refleuri ; les meubles, seulement, sont plus lourds, les costumes plus pompeux, et l’étiquette plus rigoureuse, étant moins secondée par l’éducation.

En Espagne, la guerre sévit. Charles IV a abdiqué. Le Roi et son fils sont captifs. En Italie, le Duché de Parme et de Guastalla, apanage jadis conquis pour Madame Infante par les troupes de Louis XV, a revu les soldats français ; cette fois ils ont fait de ce duché le département du Taro.

Naples vient de recevoir de la main de Napoléon un nouveau Roi, Murat, beau-frère de l’Empereur. Le roi Bourbon