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Ferdinand Ier, chassé d’abord par Championnet, s’est pour la deuxième fois réfugié en Sicile. C’est un proche parent du Duc d’Orléans. Deux fois Ferdinand a déclaré la guerre à la France ; et deux fois il a dû fuir Naples, que l’énergie du cardinal Ruffo et la fidélité de son peuple lui avaient rendue en 1799. Le fils de Philippe-Égalité, le général révolutionnaire, osera-t-il aborder ce parent ? Il se rappelle le mauvais accueil que ses frères et lui ont reçu du roi d’Espagne, frère du roi de Naples. Ils n’avaient pu s’arrêter à la Havane que pendant les quelques mois qu’une dépêche, portée par une frégate, mettait alors à parvenir en Espagne et à recevoir sa réponse.

Les chances d’obtenir un bon accueil en Sicile ne semblent pas meilleures. Cependant la demande d’y conduire le Comte de Beaujolais n’avait pas été rejetée. On allait partir pour Messine, quand la mort survint. Le Duc d’Orléans se décide à tenter l’aventure.

La Cour est à Palerme, exilée par les Français, gardée et même un peu gouvernée par les Anglais. Cour d’ancien régime et d’anciennes idées, s’il en fut jamais. Il existe un mémoire historique de la vie de Mme la Duchesse de Berry, publié en 1837 par Alfred Nettement, où le portrait de la reine Caroline est effacé peut-être à dessein, mais où celui du roi Ferdinand est vivant. Ce prince et son frère aîné, Charles IV d’Espagne, sont les fils de Charles III qui abandonna Naples pour l’Espagne en 1759 et devint un grand roi : ce que ne furent pas ses fils. Ferdinand cependant ne manque pas de bon sens ; il aime les arts ; il a même su encourager les sciences, en relevant la vieille Université de Palerme ; il est, comme un bon Méridional, sensible à la parole, et goûte fort les sermons des Franciscains. C’est un homme du dehors ; sa bonne et large figure a rougi au grand air. A pied, à cheval, il est infatigable et aime la chasse avec passion. Excellent époux, il a une descendance nombreuse. Il est très peuple dans ses habitudes. Il adore la pêche, mais la pêche avec la tenue et les façons d’un pêcheur de Chiaia ou de Santa Lucia. Il tire sa barque sur le sable, étale ses poissons sur le quai, et les met en vente, crie, gesticule, dépasse par sa verve joyeuse, et les répliques en patois napolitain, le plus bruyant des lazzaroni. Ce petit peuple l’adore. C’est là tout ce que lui a enseigné jadis son précepteur, le prince de San Nicandro, qui probablement n’en savait pas