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Monsieur goûtait l’entretien du général : nous ne saurions deviner maintenant pour quelle raison. La personne la mieux placée pour avoir recueilli dans son enfance les conversations des vieillards ayant connu La Fayette, m’a assuré qu’il passait pour avoir gardé dans leur perfection certaines habitudes de langage, certaines expressions, ou même prononciations en faveur dans l’ancienne cour de Versailles, depuis lors supplantées par le jargon des Incroyables. On disait : Nayer son chien un tireur adrait, un gentilhomme hongrais ; le poète Renard, le peintre Renault, etc. Ainsi parlait le général, et M. le Comte d’Artois aimait l’entendre.

Sa passion politique était intraitable, disions-nous, impatiente de tout délai. Il accorda cependant un répit de trois ans à la Restauration et les passa à La Grange, après les Cent-Jours, avant de déclarer la guerre. Il n’accorda pas un si long crédit à Louis-Philippe, quand il l’eut couronné !

En 1814, il veut connaître le Duc d’Orléans, Wellington lui ayant dit du bien de ce prince, et effacer la trace d’anciennes querelles qu’il eut avec son père. Mais le prince avait fait les premiers pas. « La manière dont le Duc d’Orléans demanda de mes nouvelles à mon fils, qu’il avait vu aux États-Unis, raconte La Fayette, me fit un devoir d’aller chez lui. Il me témoigna sa sensibilité à cette démarche, faisant sans doute allusion à mes anciennes querelles avec sa branche ; il parla de nos temps de proscription, de la communauté de nos opinions, de sa considération pour moi, et ce fut en termes trop supérieurs aux préjugés de sa famille pour ne pas faire reconnaître en lui le seul Bourbon compatible avec une constitution libre ! »

Le Duc d’Orléans reçut aussi la visite des maréchaux de l’Empire : duc de Trévise, duc de Reggio. Le maréchal Macdonald lui rappela qu’ils avaient combattu ensemble à Jemmapes.

Mais, au bout d’un mois à peine, le prince repartait pour Palerme. La joie de revoir le Palais Royal, l’accueil empresse qu’il avait reçu d’anciens et de nouveaux amis lui faisait souhaiter de faire partager ce bonheur à Mme. la Duchesse d’Orléans. Bien qu’enceinte alors, elle consentait à entreprendre le voyage et s’installait à Paris vers la fin de juillet.

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  1. On trouvera dans le volume qui paraîtra prochainement à la librairie Hachette l’étude sur Louis-Philippe pendant les Cent-Jours.