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dans le Palais-Royal, décoré et illuminé avec magnificence. Là, fut prononcé par M. de Salvandy ce mot prophétique : « Fête vraiment napolitaine ! Nous dansons sur un volcan ! »

Le roi Charles X honora cette fête de sa présence, et montra, suivant sa coutume, à ses hôtes la plus amicale bonne grâce. La nuit était belle, les jardins pleins de lumières ; une foule nombreuse était accourue. Charles X parut à la fenêtre du palais et fut salué par de joyeux cris de « Vive le Roi ! »

Quand Charles X, convaincu de l’erreur où l’avait jeté M. de Polignac, révoqua les fatales Ordonnances, il s’empressa, comme le faisait de son côté la Chambre des Députés, de nommer le Duc d’Orléans lieutenant-général du royaume. L’opinion publique indiquait ce choix ; et le Roi l’acceptait sans répugnance. Ni lui, ni son sage conseiller, M. le duc de Mortemart, n’hésitèrent. Plus tard encore, pendant même la lente retraite qui conduisait le vieux roi vers Cherbourg, des négociations furent engagées, une proposition fut faite à l’effet de ramener à Paris le Duc de Bordeaux ; à tout risque, Louis-Philippe offrait cette dernière ressource, et le faisait dire à Caen par le secrétaire de l’ambassade britannique Caradoc ; qui s’occupait de régler les détails du passage de Charles X en Angleterre. L’offre émut un instant le vieux Roi, mais fut vivement rejetée par Mm6 la Duchesse de Berry.

Pendant les derniers jours de juillet, le Duc d’Orléans ne parut nulle part, ne se montra pas à Paris. Le 30, ce furent Thiers et le peintre Ary Scheffer[1], suivant un récit de ce dernier, qui vinrent le chercher à Neuilly : ils durent l’attendre, car il était allé, à cheval, passer la journée au Raincy.

Thiers avait fait irruption dans l’atelier de la rue Chaptal s’écriant : « J’ai besoin de vous, Scheffer, j’ai tout fait ! — Qu’avez-vous fait ? — J’ai été à l’Hôtel de Ville, vu le Comité municipal, les chefs de groupes, chez Laffitte. Bref, je suis porteur d’un message pour le Duc d’Orléans. Tout le monde sait que vous avez de beaux et bons chevaux. Menez-moi à Neuilly. »

Les pavés sont arrachés ; d’étroits passages sont à peine ouverts dans les barricades ; il ne faut pas songer à atteler une

  1. Grote’s Life of Ary Scheffer, p. 31.