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tons qu’ils désarçonnent. Pour se procurer des armes, même opération. Tant et si bien qu’ils rejoignent l’armée de l’Empereur avant qu’elle ait franchi les Alpes. Notre nouveau Roland va-t-il se laisser distancer par ces terribles enfans de jadis ? Ce n’est pas l’armée avec ses cors d’ivoire qu’il a entendu partir, c’est toute la nation en marche qui se bat pour vivre et pour durer, et pour faire vivre et durer avec elle l’honneur, la justice et le droit.

Le voici à nouveau tout triste et déconfit, sur la plage d’Anglet. Un avion capote sur le sable. Il s’agit bien d’avion, ne sait-on pas que son ancienne passion est morte, et mort son rêve ? Depuis le 2 août, il n’y a plus songé. Cependant il entre en conversation avec le pilote, qui est un sergent. Et, tout à coup, une idée s’empare de son esprit. L’ancienne passion refleurit sous une forme nouvelle, le rêve est ressuscité :

— Comment peut-on s’engager dans l’aviation ?

— Arrangez-vous avec le capitaine : allez à Pau…

Georges, aussitôt, court à la villa Delphine. Ses parens ne reconnaissent plus son pas, son visage des jours précédens. Il a repris l’entrain d’autrefois. L’enfant est sauvé.

— Papa, je veux aller à Pau demain.

— Pourquoi ce voyage à Pau ?

— Pour m’engager dans l’aviation. Avant la guerre, vous ne vouliez pas d’un aviateur, mais, en guerre, l’aviation n’est plus un sport.

— En guerre, c’est autre chose, en effet.

Le lendemain, il débarque à Pau. Le capitaine Bernard-Thierry commande le camp d’aviation. Il force la porte du capitaine Bernard-Thierry que les sous-ordres croient lui barrer. Il explique son cas, il plaide sa cause avec un tel feu dans les yeux que l’officier en est comme ébloui et fasciné. Au ton dont le capitaine Bernard-Thierry objecte les deux ajournemens successifs, Georges Guynemer le devine ébranlé. Comme à Stanislas, quand il voulait faire amoindrir une punition, mais avec combien plus de chaleur convaincante, car il joue son avenir, il presse, il multiplie les argumens. Un fluide d’envoûteur part de sa bouche et de son regard. Et puis, tout à coup, l’enfant reparaît, qui supplie, qui va pleurer.

— Mon capitaine, accordez-moi cette grâce. Mon capitaine, employez-moi. Employez-moi à n’importe quoi, tenez, à nettoyer