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des esprits qui remplit le xviiie siècle, et qu’on peut assimiler à une deuxième réforme religieuse superposée à celle du xvie siècle. La Révolution a été une guerre de religion comme la Ligue, remarquait vers ce temps Gustave Flaubert, préparant les matériaux historiques de son Éducation sentimentale


IV

Sa monumentale construction théorique à propos de la littérature anglaise n’avait pu grandement éclairer Taine sur les véritables ressorts de la Révolution et sur les origines de la France contemporaine, car les témoins anglo-saxons de cette Révolution, fort clairvoyans sur son avenir, le sont peu sur ses sources. Ce qu’un Burke reproche à la France de 1793, c’est l’athéisme autant que l’anti-traditionalisme : il ne va donc jamais au fond des choses, il n’entrevoit pas que l’hérésie mystique de Rousseau sut fournir à l’impérialisme plébéien des alliés métaphysiques pour appuyer sa cause. Taine n’a pu trouver chez ces polémistes étroits le trait de lumière qui lui aurait montré sous un jour plus vrai les origines jacobines. — Voyons jusqu’à quel point le spectacle et la méditation des événemens de 1870-1871 ont éclairé sa philosophie de notre histoire nationale et préparé les retentissantes conclusions de son dernier ouvrage…

À la veille de la guerre franco-prussienne, il était sur le point d’entreprendre une histoire de la littérature allemande depuis l’Aufklaerung : au lendemain de nos désastres, il se décide, par sentiment de son devoir patriotique, à scruter plutôt les Origines de la France contemporaine. Mais il ne semble pas que l’esprit classique vienne tout aussitôt se présenter à sa pensée comme l’auteur responsable du système social des Jacobins. On dirait même qu’il cherche plutôt dans le domaine du mysticisme la raison d’être de cette grande convulsion morale. Le 19 décembre 1872, il écrit en effet au directeur du Journal des Débats que l’esprit révolutionnaire et l’esprit clérical ont des ressorts presque semblables, à savoir : le goût des principes admis d’avance, l’aversion pour l’expérience, l’ignorance de l’histoire, l’obéissance aux phrases toutes faites, l’instinct de la tyrannie et l’aptitude à l’esclavage : il en conclut qu’on ne peut combattre l’un par l’autre,