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Par le nouveau traité, englobant Metz et Strasbourg, de Moltke conservait la tenaille stratégique, mais avec quelle supériorité sur celle qu’il avait dû faire franchir à ses armées en août 1870. Tout le cours du Rhin appartenait désormais a l’Allemagne, les armées allemandes le franchissaient librement ; leur concentration, réduite en 1870 à la place d’armes du Palatinat, allait pouvoir s’étaler largement en Alsace et en Lorraines

Les difficultés de l’invasion disparaissaient d’autant plus que toute l’organisation défensive créée par Vauban, toutes les célèbres places fortes de Metz, Strasbourg, Thionville, Sarrelouis, Bitche, Wissembourg, Phalsbourg, Huninghe, etc. passaient aux mains des Allemands. Les Vosges n’étaient plus un obstacle, et les chemins de Lorraine se prolongeaient en rase campagne.

On a prétendu que Bismarck se serait contenté de l’Alsace et de la ligne de la Sarre. Il semble pourtant que la fameuse carte au liséré vert, qui était connue en Allemagne tout au moins dès le début de la guerre, enfermait Metz et Thionville. Et l’état-major, prévoyant non point tant un retour offensif de la France que la continuation du plan d’opération et de conquête, ne pouvait ni accepter que Metz restât à la France, ni sacrifier l’avantage qu’on attachait alors à la forme classique de la tenaille stratégique.

Il manifesta immédiatement son sentiment en organisant militairement les territoires annexés ; avant toute germanisation, il y vit d’abord la concentration des armées allemandes et la préparation des futures offensives contre la France.

Pendant plusieurs années, ce fut un travail continu qui amena les voies ferrées du Rhin en Lorraine et en Alsace, les disposant avec un art remarquable pour transporter les corps d’armée dans le plus bref délai possible et les débarquer au plus près de la frontière. On comptait en 1900 au moins douze lignes, presque toutes à double voie, et une centaine de quais de débarquement, variant de 1 000 à 400 mètres de longueur, la plus grande partie groupés en Lorraine entre Saverne, Metz et la Sarre. De 1900 à 1913, toute cette organisation, fut encore renforcée.

Nous estimions à l’Ecole de guerre que toute l’armée allemande, qui comptait en 1905 23 corps d’armée, pouvait être concentrée et prête à marcher entre le dixième et le douzième jour de la mobilisation. Or, de la zone de concentration à la