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Reichstag le 19 juillet sur les mêmes bases, elle était pour lui un moyen d’augmenter sa popularité en essayant de mettre fin à la guerre et d’élargir le rôle de la représentation nationale aux dépens de l’autocratie impériale. Mais l’Allemagne n’en est toujours qu’à la parodie du régime représentatif, quoique, sous l’influence de la guerre, la démocratie commence à s’éveiller de sa torpeur et à se mettre lentement en mouvement. S’ils semblent s’être prêtés aux vœux du Reichstag par le sacrifice de quelques hauts fonctionnaires, l’Empereur et les chefs militaires qui le tiennent prisonnier n’ont rien entendu abdiquer de leur pouvoir. Que pèsera, d’ailleurs, la résolution du Reichstag à côté de la défection de la Russie et des nouvelles perspectives qu’elle va ouvrir ? L’empereur seul, d’après la Constitution, déclare la guerre et fait la paix. C’est lui, et non le Reichstag, qui la fera.

Prônée par les socialistes austro-hongrois et par la plupart des neutres, la formule : ni annexions, ni indemnités, est devenue le cri de ralliement du socialisme international, impatient de se reconstituer et de s’affirmer. Elle a gagné du terrain sous le souffle révolutionnaire qui se répandait au-delà des frontières russes. Ses progrès ont pris même un caractère inquiétant au moment où les socialistes de tous les pays furent conviés à venir discuter fraternellement à Stockholm les conditions de paix des majoritaires allemands. Aux esprits clairvoyans la formule paraissait d’autant plus suspecte, qu’elle puisait sa principale force de persuasion dans le mouvement pacifiste violent, éclos à Pétrograd en même temps que la révolution, et qu’il importait de canaliser. Déjà le gouvernement provisoire insistait pour la révision des buts de guerre des Alliés sur la base proposée.

Le coup d’Etat du soviet maximaliste a éclairci la situation. L’écroulement du gouvernement de Kérensky, sans autre force contre l’anarchie que sa faconde inépuisable, a enlevé à la formule dont il était le protagoniste son principal appui. Le soviet, affilié par ses chefs au germanisme, est incapable d’exercer aucune pression sur les Puissances occidentales. Il faudra donc que Scheidemann et le socialisme officiel qu’il représente aient recours à d’autres auxiliaires, moins compromis que leurs frères de Russie, pour offrir au monde leur paix simpliste, qui n’est au fond qu’une paix allemande sous une