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la triste expérience, les hommes sont guidés par des mobiles honteux, mais est-ce leur faute ? Ont-ils entendu la bonne parole ? Leur a-t-on appris que la vertu et la simplicité du cœur étaient dans ce monde la plus grande richesse ? Où est le Dieu qu’ils invoquent dans leurs prières ? — Oh ! je souffre cruellement quand ces choses traversent mon esprit, et l’isolement de ma pensée augmente ma souffrance. Unissons-nous du moins par les aspirations communes de nos cœurs. Tous deux nous croyons que le règne de la haine est passé, que c’est l’amour seul qui doit féconder le monde. Nous avons banni des moyens honnêtes de gouvernement les mesures de compression dont l’Assemblée nous donne le spectacle lamentable. Nous croyons que le gibet du Christ est une plus grande leçon que la torture du coupable. L’égoïsme ne nous a point desséchés et nous savons ce que c’est que le pardon des injures. — Dépositaires, dans des situations différentes, d’une partie de la puissance publique, nous ne voyons dans le pouvoir qu’un apostolat et dans l’autorité que l’obligation de devenir « le serviteur de « tous, » selon la parole de saint Paul. Que nous importent les déceptions et les peines d’ici-bas ? La main qui tient les rênes du monde, si nous avons un rôle à remplir, saura nous trouver et nous remettre l’arme qui conviendra. »

La vie paisible qu’il menait à Chaumont permettait à Emile Ollivier de consacrer chaque jour quelques heures à ses auteurs aimés : Machiavel, Bossuet, la Bible éclairaient de nouveau sa solitude et c’était sa vraie consolation. Cependant les Champenois le chérissaient de plus en plus. Il leur tenait parole ; son administration n’était que la pratique, ferme, sage, clairvoyante, des règles de justice et de bonté qu’il avait tenté de réaliser à Marseille, et ses administrés y trouvaient une telle sécurité qu’ils méditaient de se l’attacher par un lien plus étroit en le nommant leur député, dès qu’il aurait atteint l’âge légal (vingt-cinq ans).

Le 30 novembre 1848, le Conseil général termina sa session en manifestant au préfet, par la bouche de son président, la gratitude du département. Cette manifestation se produisait pour la première fois depuis qu’il y eut des préfets en Champagne. Le journal le plus important, le Bien public, y applaudit : « Elle établit des liens de concorde plus étroits entre les agens de l’administration et accroît la force de cette administration