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inextinguible et qui se croira toujours dépourvue d’un accès suffisamment large à la mer…

Le destin toutefois s’est montré providentiel. En plaçant ces territoires si bien situés entre les mains et sous la garde de petites nations, que de compétitions, que de guerres, que de sang il a épargnés aux grandes ! Supposez qu’il n’y ait pas eu de fortes nationalités installées en Hollande et en Belgique : avec quelle âpreté l’Allemagne, la France et l’Angleterre ne se seraient-elles pas disputé les bouches de l’Escaut, de la Meuse et du Rhin ! Quelles batailles épiques s’y seraient livrées, auprès desquelles celles qui ont eu lieu jadis dans ces régions n’auraient peut-être été que des massacres sans conséquence ! La lutte terrible, poursuivie aujourd’hui sur les dunes et dans les marécages de la Flandre, est là pour l’attester. Seules les provinces belges, plus exposées, tant qu’elles n’ont point formé un royaume indépendant, ont servi souvent d’enclos aux querelles de souverains et aux rencontres de races adverses.

Si la Suisse n’existait pas, il aurait fallu l’inventer, afin d’empêcher la maison de France et la maison d’Autriche d’étendre aux Alpes centrales le champ de leur longue rivalité. L’Helvétie entière aurait été une pomme de discorde entre ces monarchies, comme le furent la Valteline et les Grisons au cours de la guerre de Trente Ans. Sans Schwytz, Uri et Unterwalden, sans la Ligue helvétique du XIVe siècle, la maison de Habsbourg eût conservé le territoire des cantons, et la glorieuse histoire du peuple suisse nous resterait aussi obscure, sous des maîtres étrangers, que celle du Tyrol ou de la Carinthie. Le même amour de l’indépendance fleurit toujours chez les descendans des confédérés du Grütli, mais ils n’ont plus là même défiance des empereurs germaniques. C’est apparemment qu’ils n’ont pas eu à subir l’administration du général von Bissing, qui fut le Gessler de la Belgique.

Les petits États doivent confesser, de leur côté, que les Puissances occidentales, la France et l’Angleterre, ont montré à leur égard des sentimens généreux inconnus de l’Autriche et de la Prusse. Quels amis plus fidèles que les Bourbons la Suède a-t-elle gardés pendant le XVIIe et le XVIIIe siècles ? Quelle protection le Portugal a-t-îl constamment cherchée, si ce n’est celle de sa vieille amie britannique ? Souvent ennemies, mais toujours chevaleresques dans leur rivalité, la France et