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rabattu sur Paris. Un de ses confrères jésuites lui parla d’une pieuse association, où il y avait trois prêtre3 vraiment dignes de l’épiscopat : l’un d’eux, Pallu, venait de Tours, le pays de saint Martin. Le projet de les consacrer pour l’Orient semblait en voie d’exécution, quand le Portugal, prévenu, opposa son veto. L’opinion française, pourtant, demeurait attentive à cette lointaine disette d’évêques : l’assemblée du clergé de 1655 s’en préoccupait ; la duchesse d’Aiguillon s’acharnait à découvrir le remède ; et Pallu constatait avec quelque confusion qu’une femme avait plus de zèle que n’en avait un prêtre pour le bien de l’Église et la conversion des infidèles. » Un jour Pallu disparut de ces pieux cénacles où le zèle fermentait sans aboutir ; on apprit qu’il était à Rome. La France avait si bien fait sienne l’idée de la Propagande, que c’était elle, maintenant, qui poussait la Propagande pour qu’enfin cette idée passât dans les faits.

Un magistrat normand, La Motte-Lambert, qui avait senti l’attrait du sanctuaire, vint à Rome rejoindre Pallu. Tous deux en 1658 étaient nommés vicaires apostoliques : la Société des Missions étrangères était née. Une riche obole de la Compagnie du Saint-Sacrement, des rentes constituées par Louis XIV, par Fouquet, par quelques dames de la cour, permettaient au séminaire de s’installer. « Mon cœur est prêt, Seigneur, mon cœur est prêt ; l’orateur qui faisait choix de ce texte pour célébrer la fondation nouvelle n’était autre que Bossuet. L’exode de Pallu et de La Motte-Lambert, et de tous ceux qui, leur cœur étant prêt, les rejoignaient en Extrême-Orient, était salué par le supérieur du nouveau séminaire comme « une extension du clergé de France. »


VII

Deux groupemens de missionnaires furent ainsi mis par la France du XVIIe siècle à la disposition de Rome. Laissons là leur histoire, si glorieuse soit-elle ; après deux siècles et demi, demandons-leur des comptes. La Propagande ne les questionne pas sur leurs mérites, mais sur leurs œuvres : brièvement, nous ferons comme elle, bravant l’aridité des chiffres… Ils ne sauraient être fastidieux, puisqu’ils dénombrent des âmes, unités d’un prix infini.