Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/717

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hâterait-on pas, en vue de cette manifestation sincère et solennelle, de faire rentrer les fugitifs, expulsés par la guerre? Réponses impériales: la volonté des provinces est connue; elles l’ont suffisamment et valablement exprimée par l’intermédiaire de leurs assemblées locales, ces assemblées ne fussent-elles que des Diètes du type le plus archaïque, qui ne représentent que 7 pour 100 de la population, et moins encore, où ne siègent que quelques barons baltes, mais d’où sont exclus même les Allemands, simples bourgeois de profession libérale. Les troupes seront retirées un an au plus tard après la cessation définitive des hostilités ; les enlever plus tôt serait exposer le pays au désordre, et le livrer aux suggestions perfides de l’Entente. On n’interdirait pas aux réfugiés l’accès de leur patrie et de leur domicile ; mais ils auraient à faire la preuve qu’ils étaient bien partis de là, qu’ils rentraient réellement chez eux, et que la loyauté allemande ne risquait pas, sous couleur d’une généreuse réintégration, d’être Victime d’une immigration frauduleuse. Il n’a servi de rien à Trotsky de se cabrer, de hausser le ton, de laisser entrevoir la reprise possible de « la guerre révolutionnaire. » Les deux ministres impériaux et royaux ne lui ont pas mâché qu’ils savaient, à ne pas s’y tromper, que « la guerre révolutionnaire » n’était pas « la guerre, » et que celle-là même était impossible au soi-disant gouvernement maximaliste; que, pas plus révolutionnairement qu’autrement, on ne ramènerait au feu ces armées qui avaient fondu. Aux termes près, c’était la formule vulgaire : « Et si vous n’êtes pas contens... » La délégation bolchevik ne pouvait cacher qu’elle n’était pas contente, mais les Empires du Centre ne cachaient pas davantage que ses sentimens les intéressaient beaucoup moins, et jusqu’à ne les intéresser presque plus.

Il s’était en effet produit, dans l’intervalle des deux sessions de la Conférence, un fait d’une importance certaine. Lorsque les fondés de pouvoirs du Soviet s’étaient résignés à regagner Brest-Litovsk, ils y avaient rencontré des envoyés de la Jiada de Kieff : désormais, par conséquent, les maximalistes de Pétrograd ne traiteraient plus pour toute la Russie ou toutes les Russies : l’Oukraine présente aux négociations porterait la parole pour elle-même. Interrogés captieusement : « La délégation russe acceptait-elle que l’Oukraine fût officiellement admise ? » ils n’avaient pu s’y opposer, sans rompre avec leurs principes, sans en renier le plus essentiel, qui est que chaque nation, au sens étroit de « chaque nationalité, » doit seule décider de son sort. Quand, à la réflexion, ils se sont avisés de protester, ils étaient « bouclés. » Alors, ils se sont aperçus qu’en toute cette affaire, ils