Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 43.djvu/722

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus inculte, la plus arriérée, la plus primitive ; c’est, au XXe siècle, non pas au fond de l’Asie. non pas au cœur de l’Afrique, en pleine Europe, la réapparition d’un fétichisme social, imbécile et cruel, l’intronisation d’un despotisme de sauvages.

Nulle part ailleurs, heureusement, le socialisme, même extrémiste, ne s’est livré à d’aussi folles extravagances qu’en Russie. Cependant, nulle part il n’a cessé, surtout depuis un an, de déployer une activité débordante et envahissante, portant ses empiétemens tour à tour dans tous les domaines. Il a voulu, avec la conférence de Stockholm, s’emparer de la diplomatie. Il a audacieusement dicté ses conditions et pour la guerre et pour la paix. Les gouvernemens, il est vrai, l’y ont, en général, encouragé par leur timidité et par leur complaisance. Ils ont eu pour lui des attentions qu’ils n’auraient eues pour aucun autre parti, et qu’au demeurant aucun autre parti ne leur a demandées. Les deux camps de belligérans n’ont, à ce sujet, rien à s’envier l’un à l’autre, et les neutres n’ont rien à envier aux belligérans. En Angleterre, M. Lloyd George est ou se croit contraint d’entamer avec le Labour Party un dialogue socratique, afin de lui faire toucher la nécessité de continuer sa collaboration à la défense nationale. En Italie, le parti socialiste officiel crée au ministère Orlando, comme il les avait créées au ministère Boselli et au ministère Salandra, les plus graves difficultés ; et l’on y regarde à deux fois avant de réprimer ses menées, eussent-elles engendré l’émeute ou le désastre. Grèves en Autriche, où le président du Conseil, M. de Seidler, se fait si condescendant, si prévenant pour M. Victor Adler et ses collègues, que l’excès de sa bienveillance choque l’opinion moyenne, et qu’il est mis en demeure de se rétracter. Grèves générales, en Espagne, sans qu’on sache ce qu’il y a dessous et à quoi elles conduisent. On dirait que l’Internationale veut saisir l’occasion que lui offre une guerre quasi universelle pour faire ou avancer la révolution universelle. Seul le socialisme allemand, dans sa majorité, est encore docile, et il ne parait pas qu’il ait vu se lever l’aube du jour dont le soir doit être le grand soir.

Chez nous, à part une poignée d’égarés, le parti socialiste n’a donné à personne le droit de suspecter ses intention s. patriotiques, mais peut-être étale-t-il, en vue de les mieux remplir, des ambitions injustifiées. Le monde, pour lui, n’a pas de mystères ; les problèmes les plus ardus de la politique et du droit n’existent pas pour lui; il se fait un jeu de les résoudre, ou plutôt ils sont, d’avance, résolus par l’une quelconque de ses formules passe-partout : littéralement, ils n’existent pas à ses