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d’un ouvrage, le chef d’une section isolée qui prend l’initiative de tenir ou d’attaquer, le pilote d’un avion de chasse qui crée la liberté des airs, l’observateur d’un avion d’infanterie qui transmet les renseignemens à temps, combien d’autres qui croyaient à peine lier leur action à l’action générale, rien qu’en faisant et comprenant leur devoir, ont pu provoquer d’incalculables résultats, comme le jet d’une pierre dans un lac provoque à sa surface des cercles qui vont s’agrandissant jusqu’aux rives opposées.


Parmi ces combattans de l’Aisne, Guynemer est à son poste à l’escadrille des Cigognes. All right : ça dégringole ! écrit-il laconiquement à sa famille. Je crois bien : le 25 mai, il a dépassé toutes les prouesses connues en aviation : il a abattu quatre appareils ennemis. Le carnet de vol résume au plus court ces quatre combats :

« 8 h 30. — J’abats un biplace qui perd une aile et s’écrase dans des arbres à 1 200 mètres nord-nord-ouest de Corbeny.

« 8 h 31. — J’en abats un autre, biplace, en feu sur Juvincourt. Fais piquer avec le capitaine Auger un biplace jusqu’à 600 mètres, à 1 kilomètre de nos lignes.

« Abattu un D. F. W.[1] en feu à Courlandon.

« Abattu un biplace en feu entre Guignicourt et Condé-sur-Suippes. Dispersé avec le capitaine Auger un groupe de six monoplaces. »

Or, Son Excellence le général-leutnant von Hoepnner, Kommandeur der Luftstreitkräfte ou commandant des forces aériennes de l’armée allemande, interviewé le surlendemain 27 mai par les journalistes officiels qu’il avait pris soin de rassembler, leur affirma, pour que ce fût répété à l’Allemagne, et à l’univers si possible, la supériorité des appareils et des aviateurs allemands. « Quant aux aviateurs français, ne craignait-il pas de déclarer avec un sens précieux de l’actualité, ils n’engagent le combat que s’ils se sentent sûrs de la victoire ; s’ils ne s’estiment pas les plus forts, ils préfèrent renoncer à

  1. Le D. F. W. (Deutsche Fleugzeg Werke) est un avion de reconnaissance armé de deux mitrailleuses dont une tirant à travers l’hélice, l’autre sur tourelle à l’arrière. Il a 13 mètres d’envergure, 8 mètres de longueur. Il a un moteur Benz 200/225 HP., 6 cylindres. Sa vitesse en palier à 3 000 mètres serait d’environ 150 kilomètres à l’heure. — Un avion de ce type est exposé aux Invalides depuis juillet 1917.